La Dame à la Licorne et Jean IV Le Viste, baron de Montreuil



La tapisserie

Image sur la tapisserie de la dame à la licorneExposée au musée Cluny à Paris, la médiatique tapisserie de la Dame à la Licorne, a longtemps stimulé l'imagination des romanciers et polémiques des amateurs et historiens de l’art. Cette oeuvre fut idéalisée par la romancière George SAND qui la découvrit  en 1841 au château de Boussac (Creuse), et en fit la base de "Jeanne", son premier roman champêtre. Selon « Promenade dans le Berry »  en 1992, collection Le Regard Littéraire, n°55". Plus récemment, la romancière américaine Mary Tracy reprit l'idée et publia son roman à succès « la dame à la Licorne », en référence à l'animal mythique et fabuleux, emblème de pureté d'âme et symbole de puissance, de force, de faste et de beauté, protectrice des justes. La tapisserie comporte 6 panneaux représentant le portrait d'une jeune femme vêtue de costumes différents qui tend son miroir à une Licorne. Acquise par Edmond du Sommerard en 1882 à la municipalité de Boussac pour la somme de 25.000 francs-or, cette tapisserie aurait été tissée à Bruxelles selon  les uns à Paris selon les autres. En tout cas, tous étaient d'accord, les armes familiales figuées sur la tapisserie étaient celles de la famille lyonnaise Le Viste.

Le baron de Montreuil n'était pas le mécène 

Jean IV Le Viste a longtemps été tenu pour le commanditaire de La Dame à la licorne. Mais les récentes recherches de Carmen Decu Teodorescu à partir du testament de Jean II, l’ancêtre commun des Le Viste, rédigé le 18 juillet 1428, permettent d’affirmer que les armoiries qui ornent les six tapisseries du Musée de Cluny sont les armes de la branche cadette à laquelle appartenait au juriste Antoine II Le Viste, prévôt des marchands puis  nommé en 1523, quatrième Président du Parlement de Paris.
En effet, les armes du chef de famille, prescrites par les dispositions testamentaires, étaient pour Jean IV, " de gueules à la bande d'argent chargée de trois croissants d'azur montants " alors que celles de son cousin Antoine II Le Viste étaient " de gueules à la bande d'azur chargée de trois croissants d'argent montants ".
C'est donc par les armoiries figurant dans un testament que cette énigme a été résolue par  Carmen Decu Teodorescu dans son article : "La Tenture de la Dame à la Licorne. Nouvelle lecture des armoiries" dans Bulletin Monumental, tome 168-4, année 2010, p. 355-367, Société Française d'Archéologie".
On peut s'interroger sur les motivations du mécène Antoine II LeViste, époux de Charlotte Briçonnet, lorsqu'il fit réaliser cette superbe tapisserie de la Dame à la Licorne. 

A mon sens, cette allégorie en 6 tableaux symbolisait à ses yeux la noblesse, statut  social et spirituel de l'aristocratie, l'ultime étape sociale de sa famille de robe et surtout une revanche contre les consuls de Lyon qui avaient toujours contesté sa noblesse.

  Blason d'Antoine II et de son cousin Jean IV Le Viste

Blason d'Antoine II Le VisteBlason de Jean IV Le viste

Cette tapisserie remarquable est détaillée ici
lien vers la tapisserie 

Le Baron de Montreuil   

  Jean IV Le Viste, fils ainé d'Antoine 1er Le Viste, et petit-fils de Jean II Le Viste, ancien chancelier de Bourgogne et consul de Lyon, lui même arrière grand-père d'Antoine II Le Viste, fils d'Aubert.Cette famille de juristes originaire de la région de Neuville-sur-Saône (Rhône) tenait un rang notable dans l'oligarchie urbaine de Lyon, vivait comme la noblesse et pratiquait une politique d'expansion familiale. 

Jean IV Le Viste fit ses études d'avocat à Avignon et monta à Paris en 1464 comme conseiller du roi au Parlement. Au service de la diplomatie des rois  Louis XI puis Charles VIII, il fut nommé en 1489,  Président à la Cour des Aides.
Auparavant, vers 1475, il avait épousé Geneviève de Nanterre, fille de Mathieu ( parfois dit Mahieu)  Président du Parlement de Paris et vivait rue Notre -Dame des Champs et ensuite rue du Four à Saint-Germain des Près. Il testa le 9 mai 1500 devant Simon Baudequin & Pierre Chevalier, notaires du Roi au châtelet de Paris , décéda le 1er juin 1500, à l'âge approximatif de  68 ans et fut inhumé aux Célestins de Paris.


Jean LeViste était seigneur du château familial d'Arcy, écart de Vindecy (Saône-et-Loire), sur la rivière Loire, à proximité de Lyon. En outre, et  d'après les "Hommages à la Chambre de France", il possédait à Montreuil-sous-Bois ( 93) les fiefs d'Orléans, de Villemomble  d'Arcy, de la Pissotte et fut à partir de 1490, baron de Montreuil avec  le  manoir et la propriété de feu Charles Boistel. Il possédait en outre à Montreuil en 1482 la censive de Nanterre au lieu-dit "sur le pré"qui lui venait de son beau-père . Elle se trouvait sur le chemin des Bonhommes. Cette censive ainsi que la propriété de Charles Boistel -emplacement 2 en haut à droite approximativement de nos jours rue Dombasle- figurent sur le plan ci-dessous.

 


Manoir de Boistel

De par l'héritage de sa femme, Jean Le Viste était seigneur du fief et de l'hôtel seigneuriale de Maincourt-sous-Dammartin dit Bois-Touzet, écart de Longperrier (Seine-et-Marne)  mouvant du comté de Dammartin-en-Goële.
Après son décès, ce domaine revint à Jeanne de Nanterre, épouse de Jean Luillier, procureur général au Parlement et une partie à Claude , fille aînée du baron Jean Le Viste.
Elle avait épousée le 26 août 1493 Geoffroy de Balzac, seigneur d'Entragues et châtelain de Bagnols-en-Beaujolais (1489-1510). Le 30 octobre 1490, le couple eut l'honneur de recevoir le jeune roi Charles VIII.

 Au décès de  son  premier mari, Claude Le Viste vendit Bois-Touzet à Jean Le Picard, notaire et secrétaire du roi et épousa Jean de Chabannes, fils de Geoffroy de Chabannes de la Palice et de Charlotte de Prie.
Jean était seigneur de Vendenesse et petit-neveu d'Antoine de Chabannes,  comte de Dammartin. On croit que le couple eut une fille Françoise de Chabannes qui se maria le 8 juillet 1516 avec Jean de Poitiers, vicomte d'Estoille et seigneur de Saint-Vallier (1475-1539). Elle décéda peu de temps après, en 1518 et sa succession, fut revendiquée par ses neveux Burdelot et Luillier. Elle serait revenue en définitive au grenetier de Meaux Etienne de Mauregard, seigneur de la Borne-Blanche et oncle par alliance de Claude Le Viste.  


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A propos de la réalisation de cette tapisserie. 

  1. Pour mémoire "La Tenture de la Dame à la Licorne. Nouvelle lecture des armoiries" dans Bulletin Monumental, tome 168-4, année 2010, p. 355-367, Société Française d'Archéologie, par Carmen Decu Teodorescu.
  2. Selon la  "Gazette des Beaux-Arts, tome 70 (1967), p. 253-278", elle aurait été tissée à Bruxelles, ce qui est plus ou moins contestée par F.Joubert dans « La tapisserie médiévale au Musée de Cluny, Paris, RMN, 1987, p. 66-84" . En bref,  la tapisserie  n'a pas livré tous ses secrets de fabrication.
  3. Testament de Jean IV Le Viste du 1er juin 1500 Source  PRactMadoux selon "Bulletin monumental"; 1984, pp 397-434".
  4. L'hommage pour le fief de Villemomble à Montreuil série KK 1038, f° 9v°  et S 3572 cote14 pour le fief de la Pissote mouvant du doyen du Chapitre de Paris et série S 4403 cote 18 pour le propriété de Charles Boistel, probablement  mouvante de Saint-Antoine-des-Champs car se trouvant dans les archives de cette abbaye féminine. 
  5. Mémoire d'Antoine II  Le Viste, engagé dans un procès contre les consuls de la ville de Lyon qui contestaient sa noblesse ( Archives municipales de Lyon, Cote : CC 0354. 65 feuillets . Inventaire Chappe, Vol. XII, p.361). 
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