Merlan, seigneurie discrète du prieuré d'Argenteuil à Noisy-le-Sec et Bondy

L'étude des archives du prieuré bénédictin Notre-Dame d'Argenteuil (95), relevant de l'abbaye de Saint-Denis montre que ses fiefs et censives étaient localisés en ïle-de- France dans les départements suivants :

Seine-et-Marne (77) Montereau-sur-le-Jard

Yvelines (78) : Adainville, Chavenay, Elancourt, Orville, Sartrouville

Hauts-de-Seine (92); Colombes

Seine-Saint-Denis (93): Aubervilliers, Bondy et Noisy-le-sec.

Val d'Oise (95), Argenteuil, Franconville, Saint Witz et Sannois.

Hors région parisienne, ce prieuré était également représenté à Chevrigny et Cheriz-le-moutier (non identifié), Acquigny diocése de Rouen et Autreppe et Arthies (cités Archives Nationales, série LL 837 et Archives départementales du Val-d'Oise, série 12 H 57/2 et suivantes). Cette variété dans la dispersion du temporel de cette abbaye puis prieuré proviendrait des nombreuses donations faites en sa faveur au XII ème siècle, à l'occasion de l'exposition de "la tunique du Christ". Cette relique est de nos jours conservée en la basilique d'Argenteuil.

La seigneurie de Moulan ou Meulan son supposé nom d'origine, transformé en Merlan à partir de 1408, possédait à Bondy et Noisy-le-Sec un ensemble foncier homogène qui fut rattaché au XVI ème siècle à la dîme de Noisy-le-Sec, devenant ainsi un écart de cette localité. Sur le plan judiciaire, Merlan avait droit de moyenne et basse éxercée par un prévôt, la haute-justice relevant en appel de son bailli d'Argenteuil. A partir de 1577, une fraction de la seigneurie fut vendue, avec clause de rachat, dans le cadre des ventes de biens religieux organisées par le roi avec l'aval de l'Eglise en raison de la détérioration de la situation économique et sociale du royaume.

Résumé historique

Fondée en 656 par Numma et Hermenric, domestiques de Clovis II, l'abbaye d'Argenteuil aurait été attribué à la septième fille de Charlemagne nommée Théodrata . En ce temps où les rois itinérants allaient de palais en châteaux d’Île de France, l'empereur Charlemagne avait résidé les hivers 774-775 et 781-782 au palais de Quierzy (Aisne, arrondissement de Laon, canton de Coucy-le-Château), terre dont une partie devaient revenir à l'abbaye de Saint-Denis. Ce palais fut également la résidence temporaire du roi Charles Le Chauve qui y promulgua en juin 787 le capitulaire instituant l'hérédité des bénéfices attribués aux comtes et à leurs vassaux. C'était le début de la féodalité et de la transmission des offices héréditaires dont nous trouverons traces dans notre région depuis le XIIIème siècle (Voir annexe) . Puis les biens revinrent à la reine-mère Adélaïde de Poitiers ( 2 ), veuve du roi Hugues Capet, (987-996) qui en 1002 en fit donation à l’abbaye d’Argenteuil afin de la relever des ruines causées par les invasions normandes de 845 ( 3). Puis, lors de l’affaire dite d’Héloïse et de son confesseur Abélard, l'abbé Suger de Saint-Denis, soutenu par le roi Louis VI le gros, engagea une procédure juridique et récupéra Argenteuil lors du concile tenu qui se déroula le 14 avril 1129 4, confirmé par bulle du pape Honorius II, malgré l’opposition de l’évêque de Paris .

L'affaire fit grand bruit car elle révélait publiquement les dissensions internes entre clergé séculier et régulier et surtout divise encore les historiens car Suger aurait présenté comme preuve un document apocryphe rédigé en 830 par Hilduin alors abbé de Saint-Denis. (recherches monastiques et urbaines 1989 et donations et acquisitions du monastère Notre-Dame d'Argenteuil 1989-1990 de Marion ARNOULD). A la mort de Suger, à la fois vicaire du Pape et régent du royaume de France ( 3 janvier 1151) l’ancienne abbaye féminine d'Argenteuil, devint prieuré "Notre Dame d'Argenteuil" et les moniales furent remplacées par des moines. Néanmoins, les textes ancins mentionnent toujours « La dame abbesse d’Argenteuil ».

Superficie et peuplement de Merlan

La seigneurie représentait au total quelques 330 arpents dont 230 arpents sur Noisy-le-Sec et 100 sur Bondy , divisé en terres nobles (fiefs) et censive roturière. Le premier recensement de cette dernière a été réalisé en 1408 et représentait alors une superficie compacte de 100 arpents défrichés et cultivés ainsi répartis;

Sur le terroir de Noisy-le-Sec : 66 arpents, avec 16 maisons à toit de chaume et 2 étables.

Sur le terroir de Bondy : 25 arpents et demi avec 2 maisons implantées sur le fief du Brichet

Plusieurs terres en alleux avec 2 maisons à Bondy tenues par des alleutiers ( Perrin Moreau et Adenet Lecompte puis Jean Duval), soit une centaine d'arpents qui serviront de base à la création ultérieure des fiefs de Raison, des Cluzeaux et partie du Brichet. A noter que l'abbaye Sainte-Geneviève seigneur de Rosny-sous-Bois, possédait quelques arpents sur Merlan en 1585 (Archives Nationales, série S 1712)

Le nombre des censitaires de Merlan était en 1408 de 46 chefs de familles , dont 4 bourgeois de Paris ( Jean Popincourt, Guillaume Lonoré, Geoffroy de Damart, Jean Procham) .Voir cette contribution à la généalogie locale.

La maison seigneuriale de Merlan était située rue d'Onon près du calvaire de merlan, sur la paroisse de Noisy-le-sec, de nos jours rue de Merlan dans cette localité. Elle gérait localement :

1) Une ferme adossée à la maison seigneuriale.

2) Un moulin à vent dit « le moulin fondu. » détruit vers 1425 lors de la guerre de Cent-Ans.

3 ) La censive suivante répartie sur deux localités.

Noisy

Superficie

Bondy

Superficie

Grosses Bornes

18 arpents 1 quartier

Touche Vassault

2 arpents

Monteux et dessous Monteux

19 arpents 1 quartier

Alleux de Bondy

2 arpents

Saut de Merlan et touche en hault

11 arpents 3 quartiers

Brichet, bouchet, bochet

6 arpents

Derrière Merlan

10 arpents

Chéron

1 arpent 2 quartiers

Bout de merlan

1 arpent 2 quartiers

Moulin de Bondy

1 arpent 2 quartiers

Carrouge

4 arpents

Chemin de Montreuil

2 arpents

La Luef

1 arpent 3 quartiers

ruelle de Rosny

1 arpent 1quartier

Girard (non localisé)

3 arpents

Fossé Prévost

4 arpents 2 quartiers

Noue Galope et Chevaucheur

2 arpents

Fossé Rueil

4 arpents 2 quartiers

Malle-Maison

1 quartier

Noue des clefs

2 arpents

Chemin de la fève

1 quartier

pré Bernard

2 arpents

Sur Noisy-le-sec

70 arpents

Sur Bondy

30 arpents

Total 100 arpents en censive auxquels s'ajoutaient environ 130 arpents pour la ferme seigneuriale et une centaine d'arpents de terres en alleux à l'origine, récupérées progressivement par le prieuré.

Quelques notables cités à Merlan

Jean de Merlan, cité décédé en 1408.

Jean 1er Popincourt, premier président au Parlement de Paris, décédé en 1403. Epoux de Jeanne de Soissons. Censitaire de Merlan, seigneur de Sarcelles et Liancourt.

Pierre Bidaut et Régnault du Pont, tabellions de Merlan en 1410.

Jean Couselin, maire de Merlan en 1412.

Maitre Nicole ( Nicolas) Ballu, seigneur de Noisy-le-Sec par sa femme Philippa Bureau.

Jean Damoiselet, prévôt et fermier de Merlan en 1518.

Jean Charmoulu, seigneur de Noisy-le-Sec en 1518.

Perrin Moreau, alleutier de 1408 à 1429, qui porta plainte devant le Parlement de Paris contre le prieur d’Argenteuil qui voulait lui faire payer la dîme. Il obtint satisfaction en appel le 20 février 1429 avec versement d'une indemnité.

Les seigneurs de Merlan

Comme relaté supra, le seigneur ecclésiastique de Merlan fut le Prieuré d’Argenteuil jusqu’en 1577, date de la vente exécutée dans le cadre des aliénation des biens du clergé ordonné par le roi avec l'aval du Pape afin d'améliorer la situation financière du royaume et diminuer le progression du protestantisme .

Le prieur gérera la seigneurie de Merlan jusqu'à cette vente de 1577 à partir de laquelle le nouvel acquéreur sera:

Jean Moreau, bourgeois de Paris, premier seigneur non religieux; Il conservera la seigneurie pendant deux années.

Guillaume Dumont, bourgeois de Paris, greffier d'Argenteuil, acquéreur en 1579. Sa fille Catherine recevra la seigneurie en héritage

Constantin Chevalier, époux de Catherine Dumont, avocat, banquier en cour de Rome, seigneur de Bondoufle acquit en 1598 et de Merlan par sa femme.

Constantin Chevalier fils aîné, abbé de Saint-Gildas de Rhuis, puis secrétaire du roi. époux d'Elisabeth Moreau.

Jacques Chevalier, fils cadet, lieutenant au grenier à sel de Fère-en-Tardennois, co-seigneur de Bonddoufle et de Merlan.

Claude Poyer, bourgeois de Paris, époux d'Anne Chevalier, fille de Constantin et d'Elisabeth Moreau.

Cette saga familiale cesse en 1680 avec la vente de la seigneurie à Jacques Picques, fils d'Olivier et secrétaire du roi, époux de Marie Geneviève Le Moyne.

En 1712, leur fils Jacques Olivier Picques hérita de la seigbeurie et mourut en 1744. On ignore le patronyme de son épouse. Leur fils aîné, Charles Julien Olivier Piques , commissaire ordinaire de l'artillerie repris la seigneurie. Il habitait à Provins (Seine-et-Marne)Merlan aurait été repris par son fils Edmé Olivier quelques temps avant la saisie en 1792 de la seigneurie au titre des Biens Nationaux.

§§§

Ci-dessous le plan de Merlan, aux limites des trois localités de Noisy-le-Sec, Bondy et Rosny-sous-Bois

merlan

Les seigneurs de Merlan recevaient l'aveu pour trois fiefs dont deux localisés à Bondy.

1) Le fief de Raison, du nom de son seigneur Clément de Raison, gouverneur de Montmédy et celui des Cluzeaux, du nom de son seigneur Louis Hautdesens des Cluzeaux.

2) Le fief de Londeau à Noisy-le-Sec relevait également de Merlan mais fut repris après 1646 par la congrégation bénédictine de Saint-Maur, comme d'ailleurs tout le prieuré d'Argenteuil. (Source la thèse d'Anne Marie Bidal sur "le temporel du monastère Notre-Dame d'Argenteuil" 1931.

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1 Notes de bas de page: pactes de Charles le chauve", par G. TESSIER, tome II, Paris 1952, n°379 du 27 mars 875 et " mémoire sur l'administration abbatiale de Suger, la geste de Louis VI", de Michel BUR, édition 192, page 223.

2) Adélaïde (Aélis) de Poitiers, descendante de Charlemagne fit donations à l’abbaye d'Argenteuil, de biens fonciers énumérés dans ce texte avec en outre des terres à Trappes, Bourdonné, Vilquoi par Auffargis (Yvelines), de Montigny-les- Cormeilles ( Val-d'Oise), Cherisy près de Dreux (Eure et Loir), Montmélian (Oise) et enfin Quierzy par Coucy-le-Château (Aisne) cité dans le Résumé Historique.

3) Archives Nationales. Abbaye de Saint-Denis, série S 3622 et 3623.

4 ) A. LUCHAIRE, "Louis le Gros", p.200, n° 433. L'abbaye de Saint-Denis transforma le monastère en prieuré et l'ensemble bénéficia d'un privilège d'exemption, au grand dam de l'évèque de Paris qui perdait ainsi des revenus.
modifié le 30 novembre 2014 ©René Connat 2014 Retour vers Accueil Retour vers Noisy-le-Sec