Le
comédien, l'officier de gendarmerie et le général d'Empire, des bondynois
d'adoption connus en leur temps.
L'histoire de nos villages
recèle souvent
la découverte d'habitants plus ou moins
célèbres de leur vivant ou ayant
défrayés la chronique de leur époque.
Et Bondy connu jadis pour la mauvaise
réputation de sa forêt
disparue, n'échappe pas à le
règle.
Voici quelqes uns de ceux qui
vécurent dans ce village entre
1651 et la Révolution.
A partir de 1651, un certain Raymond (ou Rémond)
Poisson
acheta
une maison rue Saint-Denis, face à
l’église
Saint-Pierre de Bondy et la conservera jusqu'en 1674. Il n'y
résidait pas en permanence car il voyageait souvent
à
Paris et en province.
Ses déplacements étaient motivés par
sa profession
car pratiquement inconnu sous son patronyme, ce bondynois
n'était autre que le dramaturge et
comédien du roi
Belleroche, son nom de scène, qui fut à son
époque
l'un des rivaux du célèbre Molière.
Né vers 1633 et décédé
à Paris le 10
mai 1690, Belleroche fut l'époux de la comédienne
Victoire Guérin, connue sous le nom de Mademoiselle Poisson.
De
ce couple naquirent plusieurs enfants, tous comédiens plus
ou moins
connus, dont Charles Poisson, né à Toulon le 27
février 1654 parrainé par Charles
Colbert,
conseiller et maître d'hôtel du roi.
D’abord comédien itinérant, le roi
fit entrer
vers 1660 Raymond Poisson dans la troupe de
l'hôtel de Bourgogne
où il
connu le succès en créant le personnage comique
du valet
Crispin. Egalement auteur de plusieurs œuvres
littéraire
puis en 1662 une comédie "Zig-Zag " suivie du "Baron de la
Crasse", tableau moqueur d'un noble campagnard , personnage qui,
disait-on alors, aurait inspiré Molière qui
travaillait
alors à l'écriture de Monsieur de Pourceaugnac.
Puis Belleroche et son épouse créeront le 17 mars
1664
une troupe théâtrale raillée par
Molère pour
sa dictionn notamment lors des pièces
théâtrales " l'Impromptu de Versailles",
"
l'Apothicaire dévalisé", " les Ramoneurs" et
"Mariage de
rien". Mais certains spectateurs déplorent voir la
troupe
royale tente de rivaliser avec le Médecin Volant mais
nombreux
sont les spectateurs mécontents de voir la troupe donner
dans la
bouffonnerie.
Afin de se faire oublier, Belleroche poursuivait ses
tournées en
province d'où il rapportait les traditions de farce
populaire
que Paris avait alors perdue, ce qui lui permit de présenter
son
personnage du "valet Crispin ", tiré de " l'Ecolier de
Salamanque
"de Scarron. Ce fut le succès pour ce personnage peureux,
goguenard et fripon, bredouillant, dans la lignée du Capitan
de
la Commedia dell'arte. On retrouve d'ailleurs le valet Crispin dans "
les
Femmes Coquettes" de 1670 à tel point qu'on finit
par
désigner Poisson par le nom de son personnage .
Puis Belleroche présenta la comédie
L'Après-souper
des auberges (1665) avant de fonder une seconde troupe le 2 avril 1677
avec laquelle il présenta les Fous divertissants (1680),
époque où il intègre la Troupe royale
composée de 27 comédiens et fondée en
1680 par
Louis XIV. Cette compagnie revient à la tragédie,
ses
premières amours et Belleroche devient l’un des
auteurs
les plus en vue de son époque.
Homme actif, entreprenant voire intriguant dans les luttes
d’audience entre comédiens et auteurs, il
s’opposa
au Théâtre du Marais et, dit-on, aurait
tenté de
désorganiser la troupe de Molière. En 1681, il
fut l'un
des moteurs de la formation de la Troupe royale de l'Hôtel de
Bourgogne ancêtre de la Comédie
Française.
Ses œuvre furent imprimées en 2 volumes
à Paris en 1743 par la
compagnie des Libraires sous le titre « Histoire du
Théâtre Français »
,selon le Parfaict Dictionnaire (1767) - Tome 4 , les plus importantes
étant " l'après souper des Auberges (1665), les
faux Moscovites (1668)
les femmes coquettes (1670) Le cocu battu et content (1672) Les fous
divertissants, (1680) et enfin Le bon soldat (1691)
Raymond Poisson alias Belleroche avait-il des relations avec la
princesse palatine Anne de Gonzague, sa contemporaine, seigneur
de
Bondy et du château du Raincy ? La question reste
sans
réponse.
§§§
En ce temps là, existait une unité
spéciale de la Maréchaussée de la
Prévôté d'Ile-de-France,
chargée d'assurer
la sécurité
dans les vastes
zones boisées qui entouraient la Capitale. Elle
comprenait 7 brigades
à cheval stationnées à Bondy,
Bourg-La-Reine, Charenton, Nanterre, Passy, Saint-Germain-en-Laye,
Saint-Denis,Sèvres et Villejuif. A la tête de ces
brigades
se trouvaient des dynasties familiales d'officiers se
transmettant
les postes de père en fils. Certains connurent des destins hors du
commun.
A partir de 1707, la
maréchaussée de Bondy
était sous les ordres de René
Jean
François Rulhiere puis de son fils Martin Rulhiere dont le
fils Claude Carloman
Rulhiere né à Bondy le 12 juin
1734. Chevalier de l'ordre royal
de
Saint-Louis, capitaine de cavalerie dans les gendarmes de la garde, le
petit-fils de René Jean François
Rulhiere fut
successivement aide de camp du maréchal de Richelieu
et
secrétaire du baron de Breteuil qu'il accompagna
en
1760 à Saint-Pétersbourg,
comme secrétaire d’ambassade, en 1760. A ce
poste il
put observer la révolution de
1762 qui vit l'accession au tône de Catherine II de Russie
à la place du Tsar Pierre III. À son
retour, il retraça le processus révolutionnaire
mais fit
éditer son récit après le
décès de la reine afin de ne pas froisser la
susceptibilité de ce pays. Cette publication lui permit
d'accéder au poste d'historiographe aux Affaires
étrangères et
secrétaire des commandements de Monsieur, comte de Provence,
puis d'entrer à l’Académie
française en
1787.
Claude Carloman Rulhiere était propriétaire en
1779 d'un
fief portant son nom à Saint-Denis (Seine
-Saint-Denis) et
aurait perçu quelques rentes sur la fontaine de la
Samaritaine à Paris. Cet historien et poète
à ses
heures s'éteignit à Paris
le 30 janvier 1791 et son souvenir persiste
à Bondy
avec l'allée Rulhière.
En 1818 un homme qui se faisait appeler général
vint
à Bondy acquérir des biens immobiliers vacants.
Boiteux
et manchot du côté gauche, il ne
s’épanchait
pas sur son passé en cette période
marquée par le
retour du Roi Louis XVIII où tous les anciens militaires du
1er
Empire étaient suspects et considérés
comme des
comploteurs.
Mais qui était cet homme mentionné sur les
registres cadastraux de Bondy sous le vocable «
général Compère ».
Nous allons répondre à cette interrogation,
étant
entendu que la plus grande partie des éléments
ci-dessous
ont été relevés sur une
étude
réalisée sous la plume de M. Ricard Therby et
intitulé « Moi, Compère de
Péronne,
Général de la République et de
l’Empire (
1768-1833), parue dans le bulletin n° 11 de la
Société archéologique de la
région de
Péronne (Somme).
Louis Fursy Henri Compère, naquit en Picardie, à
Péronne, du contrôleur du grenier à sel
de la
ville, Louis Quentin Compère et de Marie
Françoise Louise
Delagny. Baptisé en l’église Saint-Jean
Baptiste le
16 janvier 1768, son parrain était le sergent royal Henri
Delassalle et la marraine une fille nommée Marie Louise
Beste.
Son second prénom, Fursy était celui d'un saint
irlandais
venu évangéliser Péronne et fondateur
de l'abbaye
du Mont-Saint-Qentin.
Son père, Louis Quentin était le dernier d'une
fraterie
de quatre frères, dont l'ainé était
Louis Martin
Compère, seigneur de Mesmont, Halles Sainte Radegonde et
époux de Marie Anne de La Rivière. Cette branche
aînée aurait eu des alliances familiales avec les
grandes
familles de la région, les de Lannoy, d'Hangest, d'Assigny
et
autre, dont le destin diffère grandement de celui du
contrôleur du grenier à sel.
Aussi fut-il décidé que, faute de fortune
personnelle, le
fils ainé, Louis Fursy Henri Compère
né le
16 janvier 1768 à Péronne (Somme) serait au
service du
roi de France comme militaire.
Son passé militaire
En 1784, le jeune homme entra comme canonnier dans le
régiment
de Grenoble-artillerie, et obtint son congé par
grâce, en
1789. Lorsque, en 1791, la France, menacée dans son
indépendance, adressa un appel au patriotisme de ses enfant,
Compère s'enrôla dans le 4
ème bataillon de
la Somme, et y fut élu capitaine Ie 14 septembre. Il fit
à l'armée du Nord les campagnes de 1791
à l'an V,
et y devint, le 15 octobre 1793, deuxième chef de bataillon
nommé sur le champ de bataille de Wattignies.
Nommé
général de brigade les 5 pluviôse et 12
floréal an II ( 24 janvier et 1er mai 1794). Ce dernier
grade
lui avait été conféré par
les
représentants du peuple près de
l'armée du Nord ;
le gouvernement le confirma le 25 prairial an III . Il participa avec
son unité à la bataille de Tourcoing du 18 mai
1794 puis
à celle de Venloo en Belgique où il assura la
défense du pont construit par les pontonniers afin
d’aller
assiéger Nimègue. Nommé commandant par
intérim de la 2 ème division de
l’armée du
Nord en remplacement du général Vandamme, il
rejoint
ensuite l’armée de Sambre-et-Meuse le7 germinal an
V (27
mars 1797)et était à Neuwied le 18 avril 1799
lors du
passage du Rhin avec le général Moreau .
Passé ensuite à l'armée de
Rhin-et-Moselle, puis,
en l'an VI à celle d'Angleterre et du Danube, il faisait
partie
de l'armée du Rhin, lorsque, le 4 germinal an VII ( 24 mars
1799) chargé de défendre, jusqu'à la
dernière extrémité, une position
importante devant
Tuttlingen, il eut la jambe gauche fracassée d'un coup de
feu
après s'être battu tout le jour contre des forces
supérieures. Cette blessure l'éloigna pendant
quelques
années du service actif.
Le premier Consul lui donna le commandement en chef de la succursale
des Invalides d'Avignon le 14 prairial an IX (3 juin 1801) et le nomma
commandant d'armes à Alexandrie ; mais il n'accepta pas cet
emploi sédentaire et fut mis en non-activité le
1er
vendémiaire an XI. Le 30 novembre 1802, il fut
réintégré et rejoignit
l’armée
d’Italie avant d’être promu
membre et
commandant de la Légion-d'Honneur les 19 frimaire et 25
prairial
an XII (14 juin 1804) .
Il servit sous les ordres de Murat avec la 1ère
division
de l’armée d’Italie et était
aux combats de
Vérone ( 18 octobre 1805) puis de Contra (30 octobre) et
enfin
marche sur Naples avec la division Partoureau. Au combat de
Sainte-Euphémie (Calabre), le 4 juillet 1806, il
reçut
une blessure, par suite de laquelle il lui fallut subir l'amputation du
bras gauche, et fut fait prisonnier.
Échangé en septembre 1806, l'Empereur lui
conféra
le grade de général de division et l'admit
à la
retraite le 1er mars 1807. En 1809, Napoléon l'autorisa
à
passer au service du roi des Deux-Siciles, en conservant sa solde de
retraite. Pis le 1er février,le maréchal Murat le
nomma
gouverneur de Naples, commandant de la l ère division du
royaume, et grand-dignitaire de l'ordre des Deux-Siciles. Il se
consacra à l’organisation militaire du royaume du
roi
Joseph Napoléon et résida à Naple et
Capoue avant
de rentrer à Milan puis à Turin.
Revenu en France en 1814, Louis Fursy Henri Compère rentra
en
possession de sa solde de retraite et s’établi
à
Paris 30 rue Rochechouart. Mais l’abdication de
Napoléon
1er et le retour du Roi Louis XVIII faisait de lui un suspect
aux
yeux de l’Administration royale qui lui ordonne de quitter la
Capitale.
Il adresse alors le 11 septembre 1815 une supplique au Ministre de la
Guerre le Maréchal Clarkes afin de pouvoir se retirer
à
Bondy dans une maison de campagne qu’il vient
d’acquérir. Il obtient satisfaction et se consacre
alors
à l’aménagement de cette maison et de
la
propriété qui l’entoure.
C’est là qu’il recevra le 21
août 1821 sa
nomination de chevalier de l’ordre royal et militaire royal
de
Saint-Louis.
Ce sera le dernier titre de Louis Fursy Henri Compère, Comte
de
l’Empire, Lieutenant Général,
Commandant à
la Légion d’Honneur, Grand dignitaire de
l’ordre
royal des Deux-Siciles, Gouverneur de Gaète (Italie) et
enfin
Chevalier de l’ordre royal de Saint-Louis.
Il mourut à Paris rue Pinon ( de nos jours rue Rossini, 9
ème arrondissement) le 27 mars 1833 et fut
inhumé
le lendemain au cimetière du Père-Lachaise.
Les biens immobiliers acquis par le feu général
furent
actés en l’étude de Jean
André Fournier
notaire à Noisy le sec ( AD 93 2E9 2253). Ils comprenaient
plusieurs terrains de rapport cités le 18
décembre 1819
dans un bail à loyer de 2.000 Francs versés par
dame
Louise Adélaide de Cheveigne veuve de Félix
Alexandre
Leriche. S'ajoutaient divers baux, notamment du 3 fevrier 1819 en
faveur Jean Nicolas Bonneval et des échanges de terre
à
Noisy-le-Sec avec Nicolas François
Blancheteau puis
avec Jean Pierre Budor puis avec Jean Baptiste Drony.
La propriété principale fut vendue sous
le
ministère de Maître Bizouard, notaire à
Noisy-le-sec (AD93 2E9) et comprenait :
Une belle maison de campagne et un clos en face, situé au
lieu-dit le Brichet à Bondy et de diverses
pièces
de terres sur les terroirs de Bondy, Noisy-le-sec et
Blanc-Mesnil.
Tous ces biens formaient un total de 25 lots qui seront vendus lors
d'une adjudication définitive datée du 11 janvier
1835 .
Selon le cadastre de Bondy, année 1820 sections B et C, la
superficie de ces biens représentai un
total de 10
hectares et 23 ares avec en outre 2 hectares à
Noisy-le-sec et Blanc-Mesnil.
Les héritiers du feu général Louis
Fursy Henri Compère étaient:
1) Son fils Pierre Auguste
Compère, propriétaire foncier à Albert
(Somme)
2) Son gendre, le chirurgien Fursy Joseph
Payen,
né le 16 septembre 1789 à Albert (Somme),
époux de
feue Amélie Anne Félicie Compère,
tuteur
légal de sa fille Louise Antoinette Payen, fille mineure du
couple et petite-fille de feu le
général Louis
Fursy.
On ne trouve pas traces à Bondy de son épouse et
de leurs fils connus ou supposés qui seraient;
1) Auguste Compère, lieutenant
au 1er
régiment de Chasseurs à Cheval, tué le
12 mars
1814 à Maubeuge.
2) Henri Compère, capitaine en
1813 au 7 ème régiment d’Infanterie de
Ligne.
On ne trouve pas non plus trace de son frère Claude Antoine
Compère,également général
tué en
septembre 1812 à la bataille de la Moscova en Russie, dont
le
nom figure sur l'arc de Triomphe à Paris.