L’environnement international
Après l’assassinat d’Henri IV en 1610, premier roi de la maison de Bourbon, les tensions internationales entraînèrent son fils Louis XIII dans la guerre de Trente Ans (1618-1648) marquée par les combats (de 1629 à 1632) pour la succession des duchés italiens de Mantoue et de Montferrat, le 1er relevant de l’Empereur et le second de Charles Emmanuel de Savoie. Ces duchés appartenaient à Charles de Gonzague, duc de Nevers ( 1 ) par sa femme Catherine de Lorraine et lui avaient été donnés par son oncle Vincent II de Gonzague. Mais l’empereur refusa puis s’inclina après les combats de Casal, Veillane et Saluces et donna son investiture par le traité de Saint Germain en 1632.
La famille de Gonzague
Charles de Gonzague, comte de Nevers et de Rethel, également prince d’Arches, nom primitif de Mézières vivait dans les Ardennes où il fondera la ville de Charleville qui porte encore son prénom et deviendra Charleville-Mézières. Il s’y ruinera d’ailleurs et retournera mourir dans son palais de Mantoue.
Il eut 5 enfants dont deux filles qui auront un destin européen ;
-Luigia Maria de Gonzague, épouse du roi de Pologne Ladislas VII puis de son successeur Jean Casimir V. et sa sœur cadette Anna (Anne) de Gonzague, épouse depuis 1645 du prince Edouard de Bavière Simmern ( 2 ) Princesse palatine par son mariage, ce fut une femme de premier plan célèbre par son esprit et sa beauté et qui joua un rôle important au temps de la Ligue, parti du Grand Condé dont elle était proche..
Anne de Gonzague et son domaine du Raincy et Bondy
Lorsqu’elle acquit le 12 décembre 1663 les seigneuries du Raincy et partie de Bondy, la princesse palatine Anne de Gonzague venait de perdre son mari. Les vendeurs étaient les héritiers ( 3 ) de l’Intendant des Finances du roi Jacques Bordier décédé 3 ans auparavant ( 4 ) .Outre les terres, cet ensemble comprenait au Raincy le château édifié à grands frais par Jacques Bordier sur plan de l’architecte Louis Le Vau ( 5 ) et deux fermes, celles de la Basse-Cour du Raincy (dite aussi le clos) et celle du Brichet à Bondy, dont la mouvance féodale relevait des moines augustins de l’abbaye Notre-Dame-de-Livry. En prenant possession de ce nouveau domaine et du château, elle entendait s'éloigner des intrigues de la Cour afin de tirer un trait sur sa période frondeuse. En effet, elle avait joué un rôle relativement important et modérateur dans la Fronde parlementaire (1648-1649) puis dans celle des Princes ( 1651-1653) menée contre l’autorité royale par Gaston d’Orléans frère cadet du roi et éternel conspirateur.
A la Cour, la princesse Anne de Gonzague gravitait dans le cercle informel réunissant les familles de Montmorency et de Bourbon, ce qui lui permit de prendre une part active et déterminante dans les transactions qui aboutirent au mariage de sa cousine germaine Henriette d’Angleterre (1644-1670) avec « Monsieur » Philippe 1er duc d’Orléans ( 1640-1701) frère du roi Louis XIV. Après le décès de sa première épouse, Philippe d’Orléans, décidément au mieux avec Anne de Gonzague, épousera en seconde noce Elisabeth Liselotte de Bavière (1652-1722), cousine germaine de la princesse.
Ses propriétés locales
La princesse Anne de Gonzague, pris possession en 1663 du Raincy et du château d’apparat de feu l’Intendant des Finances Jacques Bordier, ainsi que de du fief du Brichet à Bondy. A cette époque, la prévôté, justice et terres du Raincy et Bondy était tenue par Claude VIBRON, procureur au Parlement de Paris qui cumulait les fonctions de prévôt, juge et garde des sceaux de la princesse. Comme Jacques Bordier qui fut un rassembleur de terres, la princesse étendit son domaine le 31 mai 1664 par acquisition de 17 arpents de la forêt royale, transaction réalisée par son donneur d’ordre le conseiller du roi Jacques PAGET.
En fait, Anne de Gonzague était rarement présente à Bondy et au Raincy où son personnel de maison permanent se réduisait à 5 personnes ( 8 ) le tout sous les ordres d’un régisseur qui avait toute latitude pour gérer le domaine et les 3 fermes rattachées ;
1) La plus grande, la ferme d’Asnières (Hauts de Seine) acquise en 1656, avait une superficie de 282 arpents et sera aliénée en 1673.
2) La ferme de la Basse-cour du Raincy, d’une superficie de 120 arpents. Il s’agit selon toute vraisemblance de celle du monastère de Tiron ( 9 )
3) La ferme du Brichet à Bondy, également d’une superficie de 120 arpents. La princesse en avait la propriété mais non les droits de bans et la mouvance féodale.
Ces deux dernières fermes étaient complémentaires, celle du Raincy, tournées vers la production viticole produisait en 1677 un total de 240 muids de Paris en vin ( 10 ) les deux tiers en rouge, le reste en blanc.
Sa succession
A la fin de sa vie, la princesse Anne de Gonzague se retira au Carmel de l’Incarnation, rue saint Jacques à Paris où elle décéda en 1684. Son oraison funèbre fut prononcée par Jacques Bossuet, évêque de Meaux, en présence des autorités du royaume. A cette occasion fut publié le blason de la défunte reproduit en dessin (Sources du blason: Monographie imprimée BNF, littérature et art x-3499,Oraison funèbre prononcée par Jacques Bénigne Bossuet, évêque de Meaux le 9 août 1685, imprimée à Paris la même année par Sébastien Mabre-Cramoisy.
A gauche, blason de son époux le prince palatin Edouard de Bavière (famille Wittelsbach-Simmern)
"au 1 et 4 de sable au lion armé et lampassé de gueules , au 2 et 3 losangés d'azur et d'argent"
A droite, blason de la princesse de la branche cadette des Gonzague de Nevers:
"au 1 écartelé au premier à la croix pattée de gueules cantonnée de quatre aigles éployés et affrontés, sur le tout écarté au premier et au quatrième fascé d'or et de sable, au deuxième et au troisième de gueule au lion d'argent à la queue fourchée, armée et lampassée d'or, couronné et colleté de même, au baton péri en bande (brisure Gonzague de Mantoue)
au 2 d'azur aux trois lys d'or à la bordure de gueules chargé de huit besants d'argent (Valois Alençon)
au 3 d'azur aux trois lys d'or lampassés à la bande componée d'argent et de gueules (Nevers Bourgogne)
au 4 de gueules à l'écusson d'argent aux rais d'escarboucles d'or brochantes (de Clèves), burélé de sable et d'or au crancelin de sinople brochant en bande sur le tou( (duché de Saxe après 1575)
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Son domaine du Raincy et ses deux fermes revinrent à ses trois héritiers désignés dans la succession, à savoir ;1) sa fille Anne Henriette Julie de Bavière, duchesse d’Enghien et femme du prince Henri Jules de Bourbon ( 11 ) Le couple résidait tantôt dans le domaine familial des Condé à Chantilly (Oise), tantôt à Paris.
2) Marie Bénédicte de Bavière, duchesse de Brunswick et de Hanovre.
3) Charles Théodore Otto et Louise Marie, prince et princesse de Salm.
L'ensemble resta en indivision jusqu’au 23 décembre 1694, date de la vente du domaine au marquis Louis Sanguin, seigneur de Livry en l’Aulnoye, Coubron et Vaujours. Premier maître de l'hôtel du roi Louis XIV dont il était l'un des familiers, fit is Sanguin fit procéder à d'importants travaux afin de moderniser son château du Raincy et couronner l’ascension sociale d’une famille implantée dans la région depuis le XV ème siècle et élevée au marquisat en 1688 ( 12 )
Appelé "château de Launay " puis "château de Livry " le nouvel édifice sera lieu de rencontre de l'aristocratie de l'époque avant d'être cédé en 1768 pour la somme d'un million de livres au Duc Louis Philippe d'Orléans dont il devint la résidence principale.