Né le
27 octobre 1786 à La Villotte (1)
(Yonne) où son père Philippe était
menuisier-charpentier, Edmé Connat s'établi dans
les années 1789 et avec ses parents à
Merry-la-Vallée petit bourg de la région. Il
était l'aîné de la famille qui comptera
10 enfants.
Son grand-père,
Edmé Connat, dont il portait le même
prénom, fut l'un des hommes de confiance du marquis Charles
Denis de Violaine, seigneur du Buisson Saint-Vrin,
châtelain de Bréau (Yonne.
Après le décès du
grand-père, Philippe Connat devenu mérillon,
surnom des habitants de Merry-la-Vallée, s'établi
comme charpentier sur la place de l’église et
apprit le métier à Edmé son fils
aîné.
Mais les temps changent et la loi Jourdan et Delbrel de
1796 a prévu la conscription des citoyens et, en 1806, alors
qu'il vient d'atteindre ses 20 ans, Edmé Connat
est convoqué au canton d’Aillant-sur-Tholon(Yonne)
pour passer devant le Conseil de Révision de sa classe.
Inscrit sur la liste générale des
conscrits sous le numéro 51, il tire au sort puis
est placé sous la toise " Taille 1m 64, pas
d'infirmité, jugé « Bon pour
le Service". Il n’était pas très grand mais
à cette époque, le monde paysan est solide mais
de petite taille. Le tirage au sort lui ayant été
favorable, il reprend ses activités professionnelles,
subvenant avec son père au besoin de sa grande famille.
Mais
l’Histoire est en marche et l’année 1808
ouvre l’ère d’importants besoins de
militaires en Europe continentale et l'ouverture d’un second
front en Espagne accentue la tendance. Ainsi le 10 septembre 1808,
Napoléon fait compléter ses effectifs par 80 000
hommes des levées supplémentaires; 20 000 sur
chacune des classes 1806 à 1809.
Le départ des
conscrits de la
levée complémentaire de 1808
Après deux ans de
répit, Edmé Connat, qui espérait
passer à côté, est
appelé au service militaire au titre de la
levée complémentaire de sa classe
d’âge, la 1808.
ÏI est âgé de 21 ans,
connaît bien son métier de charpentier, ce qui lui
vaut d'être affecté au 1er Bataillon de
Pontonniers, où cette profession est recherchée.
Il reçoit son ordre de route le 10 octobre 1808, et avec un
autre charpentier, son ami Vincent Lechien, natif d'Aillant-sur-Tholon
(Yonne), tous deux prennent le chemin de Strasbourg où leur
unité est en cours de réorganisation. Ils sont
peinés de quitter leurs amis du même canton qui
rejoignent divers régiments dont le 30
ème de ligne, le 14 ème sapeurs, le 21
ème tirailleurs, le 12 ème dragons, le
8ème cuirassiers et enfin la Légion de
Gendarmerie de Lille.
Edmé
Connat et son
ami Vincent Lechien mettront 14 jours pour
parcourir les quelques 400 Kilomètres d'Auxerre à
Strasbourg, via Langres, Epinal et Raon l'Etape. Ils sont surpris de
rencontrer autant de jeunes gens se dirigeant vers Strasbourg, alors
lieu de rassemblement de tous les conscrits déjà
instruits dans les dépôts militaires.
Enrôlement
au corps
et passage à l’école des ponts de
Strasbourg
Arrivés à
Strasbourg, les deux conscrits n’ont aucune peine
à trouver la caserne des pontonniers située
à proximité de la célèbre
cathédrale. La capitale alsacienne est alors ville
de garnison pour les militaires de toutes armes, cantonnés
dans les diverses casernes de la ville. Les deux amis sont
aussitôt incorporés le 24 octobre 1808 au
1er
Bataillon de pontonniers. A ce moment, les 2
ème, 4
ème et 6 ème compagnies étaient
arrivées depuis peu à la caserne de Strasbourg,
transférées d’Allemagne.
C’étaient des unités aguerries,
fières d’avoir participé avec
l’Empereur à la victoire
d’Iéna du 14 octobre 1806 et à la
plupart des autres. Elles venaient compléter leurs effectifs
avant de partir pour l’Espagne où se trouvait
déjà la 10 ème compagnie. Les autres
compagnies du bataillon, soit les 1ère,
3 ème, 6 ème, 7 ème, 8 ème
et 9 ème compagnie se trouvaient encore en Allemagne
où elles resteront à la Grande Armée
L’instruction militaire des pontonniers
Cette instruction se faisait à la caserne
des Juifset
à l’école des ponts
de Strasbourg. L’emplacement est
occupé de nos jours par « le
collège et lycée international des
pontonniers » Il s’agissait
d’un vaste quadrilatère situé
près de la Préfecture et du Palais
épiscopal, bordé par le canal et la
rivière l’Ill qui serpente dans Strasbourg et se
jette dans la Rhin qui a donné son nom au 1er
bataillon de pontonniers.
C’est là
que tous les conscrits apprennent les rudiments de l'art militaire,
c'est à dire marcher au pas, se servir du fusil,
à manœuvrer, mais comme ils sont
pontonnier, il leur faut également apprendre à
ramer, ce qui a certainement du leur valoir quelques quolibets des
mariniers qui ont appris ces choses très jeunes.
Incorporé
dès leur arrivée à la 4 ème
compagnie, Edmé Connat et Vincent Lechien sont
mutés le 2 novembre avec 8 autres conscrits à la 2ème
compagnie déjà renforcée par des
gradés venu du 2ème bataillon de pontonniers, qui
se trouvait en Italie
Cette 2ème compagnie est commandée
depuis sa formation en 1793 par le Capitaine Adam Jean, Georges ( 6
),vieil officier dont la pratique supplée au manque
d'instruction.
C’est probablement
lui qui accueille avec bienveillance les jeunes conscrits dont les
connaissances en matière de ponts sont nulles.
Après tout, même s'ils ne savent pas
naviguer aussi bien que la majorité des mariniers
alsaciens qui compose ses effectifs, il ne leur demande
qu'obéir aux ordres et de montrer leurs qualités
professionnelles.
Nos deux amis sont donc rassurés
d’être avec de vieux briscards, d’autant
que le vieux sergent-major Daniel Gampter, leur raconte’ avec
son ineffable accent alsacien, comment il a
participé avec la compagnie à la bataille
d’Eylau sous les ordres du Maréchal Davoust.
A peine les conscrits
ont-ils le temps d’apprendre l’essentiel de leur
spécialité que des ordres de
l’Etat-Major transfèrent d’urgence la
2ème compagnie en Espagne. On ne discute pas les ordres et
comme l’a dit l’Empereur, l'instruction se fera sur
place.
Bayonne, lieu de regroupement
des
renforts vers l’Espagne
Aussitôt les pontonniers partent à
marche forcée pour Bayonne, lieu de rassemblement de
l’armée d’Espagne . Ils seront sur place
le 25 novembre 1808, sachant à peine tirer au fusil car ils
n’ont qu’un mois
d’entraînement. Il est vrai que le trajet fut
rapide car ils n’avaient aucun matériel,
à l'exception de l'armement individuel et de 5 chevaux de
selle. Ils sont commandé par capitaine est de 61 hommes,
sous-officiers compris. Les états-civils de ces
pontonniers sont mentionnés en notes annexes.
A Bayonne, la 2ème
compagnie est affectée au 6ème
corps d’armée déjà
engagé en Espagne sous les ordres du Rougeaud, surnom du
Maréchal Ney. Affectée au Parc
d’artillerie de ce corps le capitaine réceptionne
le matériel destiné au passage des
rivières, soit 5 bateaux sur 5 haquets de
transport, munis de leurs poutrelles, madriers, ancres, cordages
et autres ustensiles. Avec ce matériel, les
pontonniers sont en mesure de jeter un pont de 33 toises soit en gros
55 mètres. Ceci implique que pour les obstacles plus larges
il était nécessaire de
réunir un nombre de compagnies variant suivant cette
longueur de base.
Mais comme ses pontonniers n’ont pas eu le temps
de s’instruire et afin d'améliorer la
cohésion de son unité, le capitaine fait
effectuer quelques exercices d'embarquement et de
déchargement des bateaux afin que les taches respectives de
chacun soient bien comprises.
Edmé
Connat revint à Merry-la-Vallée (Yonne) dans le courant du
premier trimestre de 1813, lr visage tanné par ses 4
années de campagne en Espagne. Dès son retour, rendit vraismblablement
visite aux malheureux parents de son ami Vincent Lechien et raconta
comment il avait été
réformé suite à un accident avant de
quitter l'Espagne avec un convoi
de blessés et d'officiers rejoignant leurs unités
en Allemagne.
Ceci fait, il lui
faut songer à l'avenir et son passage dans les pontonniers
semble avoir sérieusement augmenté ses
capacités à se débrouiller dans la
vie. Aussi reprend t-il son métier de charpentier avec son
père et développe leur petite entreprise. Il
garde un œil sur l’actualité et approuve
le maréchal Ney qui, chargé par Louis XVIII
d’arrêter l’Empereur lors de son passage
à la Préfecture d’Auxerre le 18 mars
1815, a fait cause commune avec ce dernier.
Les Cent-Jours puis l'occupation allemande
Aussi Edmé Connat fait-il parti des habitants
du département qui se rassemblèrent au
son du tocsin appelant à la levée en masse pour
résister à l’avance des divisions
coalisées. Mais le général Allix qui
commandait le département licencia presque
aussitôt cette levée et se retira devant
l’avance de la division " Lichtenstein" . Après
cet intermède et l’occupation allemande qui
débuta au mois d’août 1815, la vie
reprit son cours dans les campagnes.
Et Edmé Connat se maria avec Marie-Anne Bardot
, fille d'un cultivateur de la localité. Le mariage fut
célébré le 29 Novembre 1815,
l'année de la défaite de Waterloo, en
l'église de Merry-la-Vallée. Les époux
s'installèrent au lieu dit «le
crot», hameau proche du village.
Edmé mit à profit la relance des
affaires qui se produisit sous la Restauration pour
créer une entreprise d’achat et ventes
de bois.
Il aura 7 enfants, l'aînée
Mélanie en 1816 et le dernier Edmé Apollinaire en
1831.Tous ses enfants se marierons à
Merry-la-Vallée, notamment ses deux autres fils,
Félix et Sévère Connat mon
bisaïeul.
Le pontonnier
devient capitaine de la Garde Nationale
Devenu l’un des notables de la commune,
Edmé Connat sera élu de 1832 à 1835
capitaine de la 2 ème compagnie du 3 ème
bataillon de la Garde Nationales de l’Yonne.
C’était une unité régionale
chargée de la police et de la surveillance des zones
rurales. Il avait alors 47 ans.
En 1848,son épouse meure et Edmé se
consacre à son entreprise et à établir
ses enfants
Comme la plupart des anciens militaires, il a certainement
été bonapartiste et a raconté ses
souvenir aux jeunes du pays. Il ne perd pas le sens des affaires et se
remarie en 1856 avec Marie
Jolibois veuve d'un autre marchand de bois de la commune. Les
deux époux sont âgés respectivement de
70 et 75 ans.
Comme tous les vétérans de la
République et de l'Empire, il a
été décoré de la
médaille de Sainte-Hélène
attribuée par Napoléopn III par décret
du 12 août 1857. Elle lui fut attribuée
par le sous-préfet de Joigny (Yonne) et remise par le maire
de Merry-la-Vallée où il habitait. Il en
était très fier car elle portait d'un
coté : A ses compagnons de gloire - sa dernière
pensée - Ste Hélène 5 mai 1821. De
l'autre coté le profil de Napoléon avec
l'inscription ' Napoléon I - Empereur.
Edmé Connat survivra au
décès de sa seconde épouse et mourra
en Novembre 1869 ,dans son lit.Sur son acte de
décès, il est mentionné "ancien
militaire de la République et de l'Empire", formule qui lui
aurait certainement fait plaisir.
Il fut inhumé dans l'ancien
cimetière de Merry-la-Vallée situé
côté et à gauche de
l’église locale. Dans les années 1900,
ce cimetière a été
transféré quelques centaines de mètres
derrière l’église et les tombes
déplacées. Malheureusement, nul n’a
trouvé les documents de transfèrement et il ne
m'a pas été possible de retrouver sa tombe.
Par
contre, ses deux premiers fils, Félix et
Sévère y reposent, chacun ayant donné
naissance à un nouveau rameau du nom de CONNAT.
Ainsi, l'histoire de
ma famille continue avec mon neveu et mes petits-enfants; Eric,
Jérémy et Jonathan Connat.