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Journal de marche de la 2 ème compagnie du 1er bataillon de pontonniers en Espagne. 
Revenue à la caserne des pontonniers de Strasbourg dans le cadre des renforts destiné à l'armée d'Espagne, la 2 ème compagnie d'Edmé CONNAT  était une unité aguerrie ayant participé à la bataille d'Eylau le 8 février 1807 avec le 3 ème corps de Davoust. Ses effectifs étant constitués à 50 % de pontonniers originaires des deux département du Rhin, elle fut renforcé par des conscrits de la levée complémentaire de 1808 et quitta son casernement le 14 novembre 1808 à destination de Bayonne lieu de rassemblement des renforts pour l'Espagne. Elle était sur place le 25 novembre, sans matériel de pont mais seulement l'armement individuel des hommes et 5 chevaux de selle. Son seul officier était le capitaine Georges Adam, commandant 61 hommes, sous-officiers compris. Les états-civils de ces pontonniers sont mentionnés en notes.
marche en colonneA Bayonne, la 2ème compagnie fut affectée au parc d'artillerie du 6ème corps d’armée commandé par le général Ney qui se trouve engagé depuis quelques jours dans le premier siège de Saragosse. Il lui est attribué le matériel destiné au passage des rivières, soit 5 bateaux avec haquets de transport, munis de leurs poutrelles, madriers, ancres, cordages et  autres ustensiles. Avec ce matériel, les pontonniers sont en mesure de jeter un pont de 33 toises soit en gros 55 mètres. Ceci implique que pour les obstacles plus larges il sera nécessaire de réunir un nombre de compagnies variant suivant cette longueur de base. Après quelques jours d'entraînement, les artilleurs et l'artillerie du parc de siège prennent le chemin de Saragosse où ils sont attendus mais la route est longue car il faut passer les Pyrénées et parcourir quelques 350 kilomètres en terrain accidenté. Composé d'une soixantaine de voitures diverses et canons avec leurs approvisionnements, le convoi s'étale sur près de 10 kilomètres et progresse de 25 à 30 kilomètres par jour. 
Le convoi fera une halte de quelques jours à Tudela, puis à Xiloca, qu'ils quittent à la fin du mois de décembre 1808. Enfin, il arrive le 17 janvier 1809 devant la forteresse de Saragosse assiégée où se sont retranchées les troupes régulières espagnole.

La campagne de 1808 se termine par la préparation du siège de la ville fortifée de Saragosse
Les troupes amenées par le convoi s'installent à "Ponferrada", près des polonais du Régiment de la Vistule qui prendront une part prépondérante à l’assaut. Le lendemain, le général  Lannes vient sur place coordonner les travaux préliminaires et fait transférer le parc d'artillerie  face  au  Monte-Terrero, au  lieu dit "La poudrière", afin qu'il soit plus près de la  zone  des combats. A cet effet, les pontonniers doivent construire deux ponts pour l'artillerie (17 ) en aval et en amont de la ville, afin que  les pièces de 24 soient à portée de tir (800 mètres) . En effet, les tranchées qui encerclent la ville ne permettent pas aux 60 canons français déjà sur place, mais de calibre inférieur, d'approcher des fortifications. Après une reconnaissance des lieux effectuée par le général d’artillerie Dedon commandant le dispositif, assisté des capitaines de pontonniers Adam de la 2ème compagnie et Kiffer  de la 4ème venus en renfort du 5ème corps voisin. Ce dernier a d’ailleurs amené 34 barques de réquisition depuis Tudéla car celles de l’équipage de pont était en nombre insuffisant. D’un commun accord, il est décidé de construire un premier pont au nord et en amont de Saragosse. La profondeur de l’Ebre à cet endroit étant de plus de 2 mètres, les pontonniers ne peuvent lancer un pont de chevalets, aussi se résignent ils a établir un pont de bateaux. Comme c'est la 2ème compagnie qui a convoyé depuis Bayonne les 5 barques qui constituent l'équipage de pont, à elle de prendre la direction des opérations.

Les opérations de déchargement des bateaux se passent sans problèmes car l’on ne travaille pas sous le feu de l’ennemi.  Bien que les hommes soient entraînés, c’est le premier pont qu’ils construisent depuis Strasbourg . Aussi le sergent-major Daniel Gampter a rappelé les consignes suivantes aux sous-officiers et aux pontonniers néophytes ou confirmés.
« 1 sergent au dépôt des bateaux, un second au dépôt des poutrelles et madriers , un troisième á la première culée du pont et un quatrième sergent à la travée de pont en cours de couverture.
14 hommes pour porter 7 poutrelles et 20 hommes pour porter 20 madriers
2 hommes pour placer ces madriers et 2 autres pour égaliser avec des masses les madriers
8 hommes pour aider les bateliers qui sont 4 par bateaux, 6 hommes pour fixer les poutrelles avec des clameaux et 4 hommes pour aider á jeter les ancres".
Comme le courant n'est pas trop fort en raison de la largeur du fleuve, le capitaine Adam a décidé de travailler par lancement successif, les bateaux étant perpendiculaires  à la rive et reliés entre eux par les poutrelles de 10 mètres; Mais comme les barques des pontonniers et celles de réquisitions étaient de tailles différentes, il fallut les équilibrer et les charger de pierres pour  les mettre au niveau avant de placer les poutres et les madriers. En conséquence, il fallut 5 à 6 heures de travail pour lancer ce pont de 200 mètres alors que 3 heures suffisent généralement.
 Ceci fait, c'est aux pontonniers et à leurs officiers de faire assurer l'ordre pour la traversée  des diverses troupes. C'est toujours sans problème avec l'artillerie, car ils sont de la même arme, bien que les  grosses pièces fassent enfoncer les bateaux lors de leur passage, ce qui n'est pas du goût des pontonniers. Aussi, afin d'éviter les accidents ,le règlement précise que le passage doit s'effectuer au pas, les chevaux tenus à la bride par un conducteur à pied.

Par contre, avec la cavalerie, ce n'est jamais facile car les cavaliers regardent, avec condescendance les pauvres pontonniers et refusent de descendre de cheval dans la plupart des cas. C'est dangereux car un cheval nerveux peut échapper à la main de son cavalier et se mettre à galoper. Dans ce cas, il risque de se briser les pattes car le plus souvent, les ponts sont provisoires et les madriers du tablier ne sont pas cloués mais simplement posés sur les traverses.
Pour toutes ces raisons, le passage d'un  pont est long, provoque des files d'attentes et l'énervement, chaque unité prétendant passer avant sa voisine.
On a même vu des cavaliers porter des coups de plat de sabre sur le museau de chevaux d'artillerie, afin de passer avant elle. Autant dire que dans ces cas, les relations entre unités  de cavalerie et artillerie sont parfois tendues !!. Aussi, et dans la mesure du possible, le commandement s'efforçait de construire deux ponts, l'un par les pontonniers pour la cavalerie et l'artillerie, l'autre par le Génie pour l'infanterie.

La campagne de 1809 débute par le passage de l'Ebre
Le premier pont terminé, les pièces d'artillerie passent l'Ebre le 21 janvier 1809 et gagnent les 7 emplacements de batteries construits à leur intention par les ouvriers d'artillerie et le Génie Les canons sont tous en place le 25 janvier et le premier tir de brèche est effectué le 26 par 60 bouches à feu.
Le bombardement dure une partie de la journée, chaque pièce tirant une soixantaine de coups contre les murailles de Santa-Gracia, des Capucins et la porte Carmen qui ferme la ville.
Pendant que dure cette canonnade, la 4 ème compagnie de pontonniers met en place au sud de la ville un pont-volant composé d'une plate-forme montée sur deux bateaux et reliée à un câble. Par ce système, 600 fantassins avec leurs équipements peuvent passer en une heure.
L'assaut de l'infanterie
Ces dispositions prises, l'assaut est donné le 27 janvier 1809 par l'infanterie, composée essentiellement des 2ème et 3ème Régiments polonais de la Vistule et des 14 ème, 44 ème, 70 ème, 114 ème, 115 et 116 ème Régiment d'infanterie de Ligne.
Les Espagnols résistent farouchement et seuls les couvents de Santa-Gracia et des Capucins  sont enlevés de haute lutte. II faudra encore 29 jours d'une lutte atroce, souvent à la baïonnette, mais le plus fréquemment par creusement de sapes souterraines destinées à être remplies d'explosif pour faire sauter les maisons, pour venir à bout de la ville.
Pendant que l'infanterie se bat, les pontonniers établissent deux  autres   ponts  de  chevalets, l'un sur la rivière Huerba, l'autre sur le canal d'Aragon, protégés par une tête de pont constituée par des fascines emplies de terre. Le Génie lancera également un pont de chevalet
.siège de saragosse, position des ponts
La figure ci-contre représente le plan du siège de Saragosse avec emplacement des 4 ponts lancés par les 2 ème et 4 ème compagnies de pontonniers et un par le Génie. 
En rouge les tranchées de progression  avec flèche marquant la position de l'assaut.
"La calle del assault" commémore toujours ce lieu. Le pont en  haut du dessin et marqué en jaune existe encore de nos jours..
La reddition de Sarragosse.
Enfin, les assiégés demandent à se rendre le 21 Février 1809 au Général Junot qui à remplacé Lannes le 2 janvier, rappelé par l'Empereur pour l'Allemagne.
La reddition signée, 12.000 soldats espagnols sortent de la ville et déposent les armes avant d'être fait prisonniers.
L'entrée des troupes françaises   n'aura  lieu que le 24 février en raison de la nécessité de nettoyer la ville qui était pratiquement détruite.
Un triste bilan
Les pertes étaient énormes, 54.000 militaires et civils espagnols. Du côté français, 3.100 soldats avaient perdus la vie, dont une forte proportion de  polonais auxquels il faudra ajouter de nombreux blessés décédés dans les hôpitaux. Parmi ces derniers, le pontonnier Jacques Breton  de la 2ème compagnie, mort à l'hôpital le 17 février 1809.  
Aux lendemains de la prise de Saragosse dont le siège a été le plus difficile de toute la guerre d'Espagne, le 5 ème corps du général Mortier  retourne à Madrid tandis qu’une partie de l’artillerie est rappelée en Allemagne.
Mutation au parc d'artillerie du 3 ème corps d'armée
De ce fait le 3 ème corps d’armée voit ses effectifs diminuer à 12.000 hommes mais récupère à son profit la 2 ème compagnie de pontonniers affectée primitivement au 6 ème corps. Elle restera à ce corps qui deviendra l'armée d'Aragon jusqu'à la retraite française de 1814.
Mettant à profit cette réduction de l'armée française dans ce secteur, les troupes espagnoles aidés de guérillas reprennent l’offensive et quelques villes des alentours, notamment Lérida et Monzon.
Puis au mois de février, le typhus apparaît à Saragosse et fait de nombreuses victimes dans la population mais aussi parmi les militaires dont trois pontonniers de la 2 ème compagnie. Adam Martzlof, Elie Gutleben et Jean Margerie.
Après le départ du parc de siège qui rejoint Pampelune, les pontonniers sont mutés au parc de campagne
Dans le même temps, le général Huchet  (19) remplace son homologue Moncey et procède à la réorganisation du 3 ème corps  maintenant dénommé Armée d’Aragon,  avec l’aide du général d'artillerie Vallée ( 20) remplaçant du général Dedon reparti avec le parc de siège à Pampelune.
Le général crée alors un le parc de campagne, unité mobile servant de réserve à l’artillerie et composée d’unités qui feront ne se quitterons plus pendant la durée de cette guerre. Sa composition était la suivante :
-          2 ème compagnie de pontonniers  (capitaine Adam)
-          22 ème compagnie du 3 ème régiment d’artillerie à pied (capitaine Delaporte)
-          2 ème compagnie d’ouvriers d’artillerie (capitaine Fontaine)
-          L’ensemble était caserné dans les fossés du château de l’Inquisition,  à l’ouest de Saragosse 
.
Les pontonniers effectuent des travaux d'intérêts généraux dans Saragosse
Le parc de campagne restera en ville jusqu’au mois de mars 1809, les pontonniers assurant l’entretien et la maintenance des ponts qu’ils avaient construit et sont utilisé journellement, en attente de la remise en était du pont de pierre espagnols reliant la ville à son faubourg nord. De leur côté, les ouvriers d’artillerie réparent la poudrière afin de mettre en sûreté poudre et munitions.
De son côté le Génie procède à la réparation des murailles et bâtiments publics détruits, notamment les casernements et l’hôpital. Ces travaux sont dirigés par le général Suchet, aussi bon administrateur que militaire, qui a compris que pour se maintenir  en Aragon, il fallait que l’armée s’intègre à la population et s’efforce de ne pas vivre au dépend du pays occupé comme le faisaient souvent ses homologues  dans d’autres provinces espagnoles. Il réussit d’ailleurs car son secteur fut pacifié jusqu’en 1812 et l’Aragon fut l’une des rares provinces espagnoles  a être relativement à l ‘abri des exactions  commises de part et d’autres  dans cette sale guerre d’Espagne qui avait mauvaise presse en France. A l’époque, l’Espagne était composée de provinces relativement isolées entre elle, sans véritable Pouvoir central et l’occupation française a fortement contribué à l’éclosion du sentiment national espagnol né au cours de cette guerre de libération.
Cela n’empêchait pas Suchet de lancer à partir de Saragosse des reconnaissances militaires vers  Lérida, Mequinenza et Tortosa où 15000 soldats espagnols s’étaient retranchés. Ces opérations dépassaient rarement l’une des divisions mises à sa disposition suivant le tableau ci-dessous.
Unités à la disposition du 3 ème corps d’Armée en 1809
1 ère Division Général Musnier 114 ème et 121 ème de Ligne
    1er et 2 ème Régiment de la Vistule
2 ème Division Général Harispe 7 ème, 44 ème et 116 ème de Ligne
    3 ème Régiment d la Vistule
3 ème Division Général Habert 16 ème et 117 ème de Ligne
    5 ème d’infanterie légère
Cavalerie   4 ème Hussard
    13 ème Cuirassiers
    24 ème Dragons
Génie Général Rognat  
Artillerie Général Valée  
 
Un détachement de pontonniers fait prisonnier par les troupes espagnoles
Dans le cadre des opérations de contrôles de la région, le général fait effectuer en avril 1809 des reconnaissances en direction de Lérida et Mequinenza. Il met également à disposition  de son voisin du 5 ème corps (général Mortier, armée du Nord ) qui se trouve en Catalogne une partie de son parc de campagne composé d’un détachement de pontonniers qui doivent participer au siège de Gérone. Mais la route n’est pas sure et le détachement est attaqué le 9 mai aux environs de Caspé par des troupes régulière espagnoles. Au cours du combat, l’une des barques est brûlée et 9 pontonniers sont fait prisonnier. Il s’agissait du sergent Jean Bertrand, du Caporal Philibert Gagey et des pontonniers Henri Lafrance, Pierre Joannes, Constant Dropsy, Jean Valentin, et Pierre Satabin (22) . Triste sort que le leur car les prisonniers se retrouvaient généralement à bord d’un ponton délabré amarré dans un port du sud.

A la fin du moi de mai, le général espagnol Blake qui opère dans le sud se porte en direction de Saragosse . Pour éviter d’être assiégé, le général Suchet sort de la ville et regroupe ses forces sur la rivière Huerba. Il battra les espagnols au cours de deux combats successifs connus sous le nom de Maria et Belchite des 15 et 18 juin. Il fit ainsi 4.500 prisonniers. Restés à Saragosse, les pontonniers n’ont pas participé aux combats
Les pontonniers sur le canal d'Aragon
Ces deux victoires permettront dorénavant de contrôler le canal d’Aragon, situé sur la droite du fleuve Ebre, atout essentiel. En effet, cette artère fluviale permet d’effectuer les transports d’armes  et de vivres, économisant ainsi les forces du train des équipages dont les lourds chevaux venus de France souffrent dans ce pays aride  où les mulets sont plus à l’aise. De Tudela à Saragosse, ce canal a souffert des destructions  et les rares ponts détruits lors de la retraite des troupes espagnoles. En outre, ce canal dont les eaux viennent de l’Ebre, fleuve aux crues subites  et peu navigables en raison des périodes de basse-eaux, est pratiquement envasé  en raison de la  destruction de ses écluse. De plus les barques disponibles sont peu nombreuses, les habitants les ayant dissimulées ou coulées afin d’éviter les réquisitions françaises.
Renflouement de barques, réparation des ponts et des grandes écluses de Saragosse.
Compte tenu de cette situation, et comme l’ordonne le registre des ordres journaliers, l’infanterie  doit rechercher les barques nécessaires aux transports. C’est aux pontonniers de les remettre en état ou bien de les renflouer si elles ont été coulées. 
Dans ce cas, les pontonniers amarrent 2 de leurs barques au-dessus l’embarcation coulée. A l’aide d’une gaffe, ils passent dessous cette embarcation des cordes qu’ils attachent à leurs barques qu’ils emplissent d’eau. Celles-ci s’enfoncent et les pontonniers peuvent retendre au maximum les cordes d’amarrage. Ceci fait, il reste à vider les deux barques à l’aide de pompes à bras et en s’allégeant ces embarcations soulèvent celle qui est coulée. Il ne reste qu’à regagner la proximité du rivage et de tirer la barque coulée, soit à bras ou avec un attelage.
Outre ce travail, les pontonniers doivent assurer en priorité la réparations des grandes écluses du canal de Saragosse à son embouchure avec l’Ebre. Ce fut un travail de longue haleine qui ne fut terminé qu’au mois de février 1810.
Il leur fallait également assurer le ravitaillement avec leurs barques et réparer les ponts sur le canal. Ne pouvant avec un effectif d’environ 70 personnes assurer toutes ces tâches, ils seront assistés dans un premier temps de sapeurs du Génie puis par des marins. En effet, les équipages des vaisseaux stationnés dans les ports formaient des bataillons de haut-bords mis à la disposition des pontonniers.

Construction par les pontonniers d’un radeau de  tonneaux et destruction de canaux d’irrigation.
Outre ces travaux généraux, les pontonniers étaient amenés à utiliser le système D pour assurer leur mission. Aussi ne furent-ils pas étonnés lorsqu’ils reçurent l’ordre de construire un radeau avec des tonneaux assemblés dans un cadre en bois. Cet assemblage peu ordinaire fut transporté par la route à Monzon, au nord de Saragosse afin de doubler le bac existant sur la rivière Cinca. En effet, cette ville tenue par les troupes françaises permettait d’interdire aux troupes espagnols retranchés dans Mequinenza et Lérida de se ravitailler dans la plaine de Saragosse.
A ce moment, les lignes françaises étaient à  Alcanitz, Jacca, Veneasquez et Monzon mais 20.000 soldats réguliers espagnols retranchés à Lérida constituaient une menace permanente. Aussi avant d’aller attaquer cette dernière ville, le général fit détruire par les pontonniers les canaux d’irrigation d’Alfaraz afin de couper l’eau du moulin de Lérida qui permettait aux soldats retranchés de moudre leurs grains. Cette précaution prise, le général Suchet parti contre Lérida avec les généraux Harispe et Habert, laissant la garde de Saragosse au général Musnier. 

La campagne de 1810 de l'armée d'Aragon 
Pour Suchet et son armée d’Aragon qui garde le bassin de l’Ebre, la prise de Lérida  et surtout du royaume de Valence occupées par des troupes régulières espagnoles était une nécessité afin d’assurer le ravitaillement des troupes. Aussi est-il décidé d'effectuer une reconnaissance des défenses de Valence. Ayant réuni son infanterie disponible et la cavalerie mise à sa disposition, le général Suchet prend la direction de cette  riche ville qui ouvre les portes du sud de l’Espagne. Le 4 mars 1810, il s’installe à Murviédo, à proximité de Valence,  pratiquement sans avoir rencontré une résistance de la part des troupes espagnoles qui se retranchent dans la ville.
Comme il n’a à sa disposition que l’artillerie légère accompagnant l’infanterie, le général fait venir de Saragosse une partie des pièces d’artillerie de 12, escortés par 2 bataillons du 14 ème de ligne et du 3ème bataillon du 5ème d’infanterie légère. Dans le même temps, il demande du renfort au roi Joseph Napoléon mais n’obtient rien car le gros des troupes est engagé dans le centre et l’ouest de l’Espagne contre les troupes anglo-espagnoles. Après un siège sans conviction d’une semaine, il se retire et fait rentrer ses troupes par Téruel, c’est à dire par l’intérieur du pays, afin de faire une démonstration de force. 
Manoeuvres préparatoires à l'encerclement de Lérida:
Pendant cette campagne éclair, 1e parc de campagne d’artillerie et les pontonniers sont restés à Saragosse , d'une part pour ne pas dégarnir la ville, d'autre part afin d'éviter de donner l'éveil aux commandement espagnol qui se renseignait sur les déplacement des pontonniers et de l'artillerie lourde. De retour à son Quartier Général, le général Suchet demande à son voisin, le général Dufour qui commande les troupes de Catalogne, d’assurer la sécurité des convois entre Pampelune et Tudéla, la garde des ponts et de regrouper les barques disponibles à Tudéla en vue de la prise de Lérida.
Ces précautions prises, il envoie 13 pièces d’artillerie par la route à destination de Monzon, où elles traversent la Cinca sur le bac et le pont de radeau établi par les pontonniers. La garnison de Monzon est confiée à la garde du colonel Plicque. Dans le même temps, le général Musnier aux ordres de Suchet assure le contrôle de l’Ebre entre Mora et Flix. Ayant ainsi engagé une action en tenaille contre Lérida et s’être préservé de toutes surprise, il peut partir en campagne.  siège de Lérida en 1810
Située sur la rive droite de la rivière Sègre, Lérida se trouve dans une plaine aride et monotone et est défendue par  Les assiégés se sont honorablement défendu contre des troupes deux fois plus nombreuses.une simple muraille, deux forts et un château d’enceinte, tandis que la rivière la protège sur toute la longueur. Pour arriver à cette ville, il faut emprunter la route de Fraga, carrossable mais où les Espagnols ont pris la précaution de détruire le pont de pierres sur la Cinca, soit passer par Monzon où la route est très difficile. Envoyé en reconnaissance avec sa 3 ène Division, le général Habert  pousse jusqu’à la ville de Balaguer sur la Sègre, que les Espagnols évacuent sans combattre par peur d’être encerclés et sans détruire le pont, ce qui permet aux français’ de s’installer à Loguéral.
Pendant ce temps, le gros de la troupe avec l’artillerie, passe par Fraga où les pontonniers réparent le pont de pierres, tandis qu’une dizaine de ces derniers, commandés par un sergent, passe avec une partie de l’artillerie par Monzon, où ils arrivent le 10 avril l810, avec le pont de radeaux cité précédemment. 
Lancement de pont pour terminer le siège de Lérida (13 avril, 14 mai 1810)
.Cette marche d’approche a été fort difficile pour les deux colonnes en raison des pluies qui ont rendu les chemins impraticables, ce qui ajouté à la nature montagneuse du terrain, justifie la lenteur de la progression.  Réunis à Monzon, où Suchet a établi provisoirement son Quartier Général, les pontonniers se rendent ensuite à la disposition du général Habert  parti en reconnaissance. Sur place, celui-ci leur demande d’établir un pont sur la Sègre, mais comme ils n’ont pas suffisamment de matériels, il les envoie détruire un pont situé au-dessus de Balaguer afin de récupérer des matériaux.
Pendant ce temps, le siège de Lérida se déroulait.
Comme dans tous les sièges de cette époque, c’est aux sapeurs du génie de creuser avec l’aide des fantassins les tranchées parallèles permettant d’approcher sans risques inutiles des murailles et de construire les abris pour l’artillerie. Pendant ces travaux les pontonniers sont revenus et s’installent devant Lérida le 28 avril l810, au moulin de San-Rufo. A peine sur place, il leur faut construire deux bacs à draille sur la Sègre, à environ 1.500 mètres de leur campement, afin de permettre à l’artillerie  de passer de l’autre côté de cette rivière.
C’est un travail assez difficile à réaliser car les pontonniers n’ont à leur disposition que des barques de réquisition, qu’il faut renforcer avec des madriers pour qu’elles soient en mesure de supporter les canons. Ceci fait, il ne reste plus qu’à fixer une cinquenelle en travers du fleuve et à relier les barques à une poulie coulissant le long de la corde.
Mais à peine cela est-il terminé qu’un violent orage éclate sur la région, fait déborder les canaux d’irrigation, inonde les tranchées où les soldats ont de l’eau jusqu’à la ceinture. Il est impossible de détourner le courant pour empêcher ce désastre et les pontonniers, débordés par l’évènement, doivent construire en toute hâte un pont de chevalet permettant aux troupes d’accéder aux tranchées. Ce travail dure une semaine, le courant de la Sègre étant très fort  et ralentissant les travaux.
Le rôle primordial de l'artillerie
Malgré ce retard, les batteries sont mises en place après bien des difficultés en raison de la boue et le 7 mai 1810, 24 canons de gros calibre tirent sur les murailles (15 pièces de 24 et 9 mortiers. Mais les Espagnols ripostent et tuent 20 canonniers. Encouragés par ce succès ils font une sortie de nuit le 8 mai et sont repoussés avec peine par le 5ème léger et le 114 ème de Ligne.
Dans le même temps, les troupes espagnoles du Général O Donnel arrivent de Mora, par l’est et tentent de rejoindre les assiégés. Afin d’éviter  d’être pris entre deux feux, Suchet  fait construire par les pontonniers un pont-volant entre Lérida et Villanova afin de prendre position dans la plaine de Margaleff. Battus, les Espagnols n’insistent pas, abandonnant  les assiégés à leur sort.
Le 12 mai, la redoute de Garden est prise, ainsi que la tète de pont protégeant le pont de pierres reliant la ville à la rive droite. L’assaut final a lieu le lendemain et la ville est prise avec difficulté. Elle coûte 12.000 hommes aux espagnols, dont 7.750 prisonniers et du côté français 200 tués et 500 blessés. Les assiégés se sont honorablement défendu contre des troupes deux fois plus nombreuses. Dans cette affaire, la 2ème compagnie de pontonniers perd le sergent-major Daniel Gampter et les pontonniers Jean Dupuys et Bernard Nicot, qui, blessés, seront réformés un mois plus tard. 

Préparatifs pour les sièges de Mequinenza et de Tarragone
Après cette victoire, le général Suchet  envoie 2 bataillons de la l ère Division s’établir vers Fraga, au village de Tome de Sègre, avec les pontonniers qui doivent mettre en place un bac sur la rivière Cinca afin de pouvoir amener des troupes et du ravitaillement en vue de l’attaque de Méquinenza. En effet, une garnison espagnole s’est retranchée dans cette localité et menace les arrières du dispositif du 5ème corps.
Sur place au début de juin 1810, les pontonniers établissent une cinquenelle en travers de la rivière et construisent un bac avec deux bateaux de réquisition assemblés et surmontés d’une plate-forme, avec rambarde. Pendant les deux jours que durent ces travaux, une compagnie d’infanterie va chaque nuit harceler le bac de Méquinenza tenu par les troupes espagnoles, afin de les empêcher de sortir pour se ravitailler. Le bac français terminé, une compagnie reste sur place pour le défendre et les pontonniers font passer les troupes qui se rendent au siège de Méquinenza. Elles sont suivies d’un troupeau de boeufs de boucherie, animaux que les pontonniers répugnent à faire passer sur les bacs. En effet, il faut veiller particulièrement à ce  qu’ils ne soient pas plus de quatre ou cinq à la fois, car, si l’un d’eux prend peur, le bac oscille et il n’est pas rare que les beaufs se jettent à l’eau, ce qui est toujours source d’accident.
Entre temps, le général Suchet a demandé à Madrid de mettre è sa disposition l’équipage de pont qui se trouve à Pampelune afin de préparer les sièges à venir. Il l’obtient et le convoi de pontonniers, fort d’une quarantaine de voitures et de 250 chevaux, prend la direction de Saragosse, convoyé par les troupes stationnées en Navarre. Il  doit parcourir environ 300 kilomètres en terrain montagneux et transporte 23 bateaux de tous types dont une dizaine sont des pontons de cuivre, totalement plats. On sait déjà que les pontonniers n’aiment pas utiliser ces matériels car, sous le poids des pièces d’artillerie lourde qui passent dessus alors qu’ils sont à l’eau, ces pontons s’enfoncent presque jusqu’à ras bord, mouillant ainsi les pieds des pontonniers qui se trouvent dessus. Enfin, précision amusante, on dit que les premiers espagnols à voir passer ces pontons de cuivre crurent qu'il s'agissait de bateaux en or, tant ils brillaient au soleil.

Le siège de Méquinenza (16 au 31 mai 1810)
Mequinenza en 1810
Défendu par un fort et situé sur un plateau escarpé, d’accès difficile, Méquinenza est accessible par une route carrossable venant de Lérida par Fraga et Toriente et qui longe la rive droite de la Sègre. A certains endroits, cette route est très sinueuse, impraticable aux convois de canons et de bateaux qui mesurent jusqu’à 18 mètres de long lorsqu’ils sont attelés de 6 chevaux.
Un chemin encore plus difficile, venant directement de Saragosse, est seulement accessible aux mulets.
Le gros des forces, c’est è dire les 2ème et 3ème divisions protégeant le parc de campagne avec les pontonniers et les 10 grosses pièces d’artillerie, passe par le premier itinéraire. Tout se passe bien jusqu’à Fraga, mais les Espagnols ont encore une fois détruit les  réparations effectuées sur le pont et il est jugé plus efficace de construire un pont avec les 4 bateaux disponibles. Mais la rivière est  torrentueuse et la moindre pluie la fait monter dangereusement. C’est alors un obstacle difficile, et c’est d’ailleurs ce qui se produira, car il faudra 11 jours aux pontonniers pour établir ce pont. En effet, les eaux montaient jusqu’à 3 mètres par jour, emportant les culées de pont, pourtant constituées par des caisses remplies de boulets, et brisant les cinquenelles.
Une fois cet obstacle passé, et arrivés à Toriente, les sapeurs du génie sont dans l’obligation d’élargir la route en faisant sauter des rochers pour amener les canons. Le 28 mai, alors que les canons sont mis en position, une partie des habitants s’enfuit en barques Après une canonnade de deux jours, l’assaut est donné et les 1.500 défenseurs se rendent et sont fait prisonniers.

Un nouvel objectif, Tortosa
Après la prise de Méquinenza, le général Suchet décide de s’emparer de Tortosa, port important sur la mer Méditerranée et situé à l’embouchure de l’Ebre, ce qui permet aux troupes espagnoles de circuler sur les deux rives du fleuve mais surtout de recevoir des renforts et du ravitaillement de la flotte anglaise.
Ce n’est pas une mince affaire, hors de portée d’un corps d’armée déjà obligé de se disperser sur un grand territoire afin de garder les places fortes conquises. 
Travaux préparatoires en vue du siège de Tortosa
Pour venir à Tortosa, de quelque côté que l’on vienne, sauf par la mer, il faut franchir un chaos de montagnes escarpées, dans lesquelles l’Ebre est enserrée et a plus l’aspect d’un torrent que d’un fleuve. C’est dans cette région que se trouve entre Pinel et Xerta, l’un des défilés les plus redoutables d’Europe.
Encore une fois, le génie est dans l’obligation d’ouvrir une route dans la montagne pour les canons et l’équipage de pont entre Favara, Gandésa et Mora. Mais, afin de limiter le nombre de chevaux nécessaire aux transports, le général Suchet décide, dans la mesure des possibilités, de faire effectuer ces transports par la voie fluviale, donnant indirectement ainsi une importance nouvelle aux pontonniers et leurs équipages.
C’est pourquoi, une fois arrivés par la route à Méquinenza, les pontonniers assemblent leurs bateaux par couple afin de constituer des plate-formes, pour dans un premier temps, transporter l’artillerie, puis ensuite être réunies par éléments et constituer un pont. Les plate-formes terminées, les  pontonniers les descendent sur l’Ebre jusqu’à Xerta, lieu de rassemblement des  troupes. Elles arrivent sur place le 6 juillet 1810, escortées depuis  la berge par des détachements de cavalerie et d’infanterie, afin que les canons se trouvant dessus ne courent pas de risques d’être enlevés par l’ennemi.
Cette disposition a été décidée par Suchet  qui, dans une lettre à son général d’artillerie Valée  souligne l’importance de cette arme en déclarant ”je veux être sûr de mes moyens d’artillerie avant d’entreprendre du sérieux”.
Deux jours plus tard, le 8 juillet, les plate-formes arrivent en vue de Tortosa. Mais comme l’équipage de pont avec tout son matériel n’est pas  encore arrivé, les pontonniers devront transformer les plate-formes en pont-volant à un endroit où le fleuve ne fait que 100 toises de large (l90 mètres).En effet, si ce système est plus lent pour faire traverser les troupes et l’artillerie qu’un pont de bateaux, il offre l’avantage d’être sûr.
Pour établir ce genre de pont moins long à monter qu’un pont fixe, il suffit de monter sur la plate-forme une charpente en bois, formant portique, la pièce transversale étant percée d’un trou de 10 centimètres de diamètre (appelé en argot de pontonnier le chat), dans lequel coulisse la cinquenelle. Celle-ci est amarrée solidement à la rive par une extrémité, l’autre étant enroulée sur un cabestan fixé sur le pont de la plate-forme.
Il ne reste plus aux 6 pontonniers de service qu’à virer au cabestan, en se faisant parfois aider par des passagers de bonne volonté ou plus pressés  que d’autres.

Échec des pontonniers contre un pont espagnol: 
Pendant qu’une partie des pontonniers reste pour manoeuvrer ces deux ponts-volants, les autres sont chargés par le général Suchet  d’effectuer une mission délicate, mais qui est du ressort de leur spécialité. Ils reçoivent l’ordre d’aller brûler un pont de bateaux espagnols situé à l’entrée de Tortosa. C’est un travail difficile et aléatoire car ils sont démunis de dispositif de mise à feu retardée ( dispositif formé par un mécanisme à chien de fusil existait pourtant car il est décrit sur ”le guide du pontonnier”)et doivent s’approcher subrepticement de leur objectif. Aussi partent-ils à 3 barques, les deux premières chargées de bois sec et de goudron. Arrivés à proximité, ils doivent guider les barques afin que le courant les portent vers le pont puis mettre le feu en se repliant. Mais les soldats espagnols faisaient bonne garde et ouvrent le feu dès qu’ils aperçoivent les barques. Au cours de cette escarmouche qui s’est déroulée le 20 Juillet l810,  le pontonnier Vincent LECHIEN est tué et une barque est perdue. Ainsi,  Edmé CONNAT mon trisaïeule perd t-il son compagnon parti avec lui d’Aillant-sur-Tholon “ mort à l’ennemi ” comme mentionné sur le contrôle du corps des pontonniers.
Cet échec provoque la colère du général SUCHET qui était, déjà mal disposé à ’égard des pauvres pontonniers comme en fait foi la correspondance suivante adressée au général d’artillerie VALEE;
- 9 Juillet “ Vos pontonniers se sont laissés brûler une barque. Heureusement que nous en avons trouvé 11 près de Xerta. Il me faut un officier d’artillerie pour tout diriger”.
- 11 Juillet,   lettre adressée au Général du Génie Rognat: ”A Lérida l’expérience a prouvé que  l’établissement d’un pont sur l’Ebre est aléatoire avec les seuls pontonniers”.
Pour leur défense,  il faut souligner qu’en fait les sergents étaient pratiquement livrés à eux même depuis la disparition de leur sergent-major et le manque d'officier, Aussi le capitaine Adam verra t'il arriver au mois d’août le Lieutenant Caupe et l’ Adjudant-Major Dufrasnoy, venus de Pampelune avec l’équipage de pont destiné au siège de Valence.

Jonction du 3ème et 5ème corps d’armée et problèmes de ravitaillement

Après cet intermède, les troupes espagnoles de Tortosa tentent de briser l’encerclement les 10 et 13 Juillet 1810 mais échouent dans cette tentative. Le 20 août, les troupes de Catalogne du général Macdonald (7 ème corps ) firent , sur ordre du commandement, jonction avec le 3ème corps et les deux généraux se rencontrent à Lérida. Mais le regroupement de l’artillerie de siège n’est pas encore terminé et il est décidé que le 7ème corps stationnera à Tarrega et Cervera en l’attente de l’arrivée du parc de siège. Aussi a t'il le temps de faire mouvement pour être le 15 décembre à Mora sur l’Ebre avec ses 15.000 hommes.
Mais le ravitaillement est déjà difficile et devient problématique pour deux corps d’armée, soit une concentration avec les renforts ponctuels de 40.000 soldats.  Aussi est-il décidé d’employer essentiellement la voie fluviale, ce qui implique le contrôle continu de l’Ebre et de ses berges, de Saragosse è Tortosa, soit environ 200 km.  Malgré le nombre d’unités nécessaires à cette protection,  cette solution prévalu car, comme l’écrit le général SUCHET dans ses mémoires ”un seul convoi de bateaux apportait en un seul voyage autant de ravitaillement que 1.500 chevaux en un mois de travail”. 
Les incertitudes du ravitaillement fluvial
Au mois de Septembre, la période de basses-eaux sur l’Ebre empêche le ravitaillement de partir car les bateaux n’ont pas assez de tirant d’eau disponible.  c’est seulement le 5 Septembre 1811 que le premier convoi en provenance de Saragosse arrive à Xerta. Il est assuré par les pontonniers avec renfort d'unités de marins.
A ce moment du récit et pour situer les positions, la ligne de communication des troupes françaises était le suivante; Xerta, Pinel, Gandésa, Batea,  Fagara, avec une garnison dans chacune de ces villes.
Donc, le premier convoi fluvial repart de Xerta, région dangereuse car les berges surplombent souvent le fleuve, sous l’escorte d’une division d’infanterie napolitaine faisant partie de 1’armée de Catalogne (à l’époque, le Royaume de Naples est lié è la France par une alliance militaire et son roi est le général Murat beau-frère de Napoléon)

Fuite de l’escorte napolitaine d’un convoi de barques  des pontonniers
Mais arrivé au barrage de Flix, une troupe d’espagnole en embuscade attaque le convoi, qui perd une dizaine d’hommes, tandis que les napolitains,  à l’effectif d’une compagnie, s’enfuient. Vexé de cette fuite, le bataillon napolitain contre-attaque, avec un bataillon français, et les espagnols se dérobent. Mais ils ont eu le temps de se saisir de deux des bateaux, qui ont été entraînés par le courant. Cette affaire coûte aux pontonniers Jacques HILL, prisonnier des espagnols, Antoine VALIGNY, blessé et qui sera réformé et Edmé ROUZOTTE, noyé dans 1’Ebre.
Cohésion et coordination difficiles entre corps d’armée
A propos de cette absence de cohésion voici quelques lettres extraites du registre de correspondance du général Suchet 3ème corps adressées au général MacDonald du 7 ème corps ( armée de Catalogne) qui se plaignaient de ne pas recevoir assez de ravitaillement pour ses troupes qui devaient participer au futur siège de Lérida repris par les troupes espagnoles. 
Préparation de l'investissement de Tortosa par lancement d'un pont en amont.
Pendant que se déroulent ces querelles, l’équipage de pont venu de Pampelune arrive enfin vers le début décembre. C’est la 4 ème compagnie de pontonniers qui l’accompagne et doit installer le pont en amont de Tortosa avec la collaboration de la 2 ème compagnie. Mais auparavant, le génie doit construire une tête de pont afin de protéger les pontonniers d’une attaque ou d’une sortie de l’infanterie espagnole. Ceci fait, les pontons sont déchargés des haquets et mis à l’eau avec toutes les barques disponibles car le fleuve, on l’a vu d’après les déclarations de SUCHET, est très large à cet endroit.
Les barques sont disposées perpendiculairement  à la rive, reliées entre elles par les poutrelles de 10 mètres, formant ainsi un pont le long du rivage. Si l’on en crois les archives,  les pontonniers disposaient à ce moment de 58 bateaux divers, dont 15 pontons de cuivre, soit la totalité de ceux se trouvant en Espagne.
Le pont assemblé, la partie la plus délicate est de lui faire effectuer une conversion d’un quart de tour. Cette opération commence par la traversée à la rame d’une barque portant une ligne de chanvre  suffisamment longue et à l’amarrer solidement à la rive d’en face.
Ceci fait, on attache l’autre extrémité au point amont du pont, que l’on désamarre de la rive, la partie aval étant solidement amarrée à la rive. Par simple effet du courant, la partie amont effectue un quart de tour, opération qu’il faut contrôler attentivement.
Lorsque le pont est en travers du courant, les pontonniers lancent des ancres un bateau sur deux et s’amarrent dessus. Il ne reste plus qu’à tendre toutes les amarres et à les renforcer, puis à monter les passerelles d’accès de la berge au pont.

La campagne de 1811 débute par la reddition de Tortosa (21  décembre 1810 au 2 janvier 1811)
Siège de Tortosa en 1810Ce lancement a été effectué sous le tir des batteries espagnoles retranchées dans Tortosa et par jour de grand vent soufflant de la mer, ce qui a facilité l’opération de contrôle de conversion. Il est ainsi mentionné dans les mémoires de SUCHET “ Ni les boulets de la place, ni la baisse des eaux, ni la violence des vents,  ne purent lasser le courage des pontonniers ”.
C’est grâce à ce travail obscur des pontonniers, acteurs méconnus de cette guerre d‘Espagne, que le 21 Décembre 1810 les pièces d’artillerie traversent l’Ebre et gagnent leurs emplacements de batterie.
Les 28 et 30 Décembre, les 53 pièces d’artillerie françaises tirent sur Tortosa. Le dernier tir est suivi d’un assaut. La basse ville est prise le 30 et les sapeurs du génie commencent immédiatement  à creuser des sapes. Les espagnols demandent alors une suspension de combat afin d’entamer des négociations qui aboutiront le 2 Janvier 1811 à la reddition de Tortosa.

La campagne de 1811 débute pat la préparation du siège de Tarragone
Tortosa prise, le général SUCHET laisse le général MUSNIER et sa 1ère Division occuper la ville qui doit servir de pivot à l’opération contre Tétragone. En effet, le 19 mars 1811, l’Empereur lui a ordonné de prendre cette place fortifié et a mis à sa disposition les troupes de Catalogne. A cet effet, il procède à de nombreuses acquisition d’approvisionnement et installe ses dépôts de vivres et munitions à Lérida et Mora, Le parc d’artillerie et les pontonniers restent avec MUSNIER et sont renforcés par des unités d’artillerie venues de Catalogne, à savoir la 7ème Compagnie du 2 ème Régiment d’artillerie à Cheval et la 53 ème du 1er Régiment d’artillerie à cheval italien et des éléments des divisions Frère et Peiri. 

Marche d’approche et batteries de côtes contre la flotte anglaise  
Au mois d’avril 1811, le général SUCHET regroupe ses forces et forme deux colonnes qui prennent la route de Tarragone. La première, conduite par le général HABERT,  part de Saragosse, par la vallée de l’Ebre, puis par la route du bord de mer plus carrossable, reprenant au passage sans coup férir, le fort de San-Félipe, poste important car contrôlant un pont de pierres sur la rivière Segre.
Pendant ce temps,  l’autre  colonne passe par Lérida afin d’empêcher les troupes espagnoles de s’enfuir tandis que l’artillerie et les pontonniers restés à Tortosa descendent aussi vers Tarragone par la route du bord de mer, bien contrôlée par nos troupes. Pendant leur progression, ces convois sont attaqués par les canons de vaisseaux anglais. Le général SUCHET craint que ces navires viennent au secours de Tarragone et de Valence.   Aussi ordonne t’il à l’artillerie de s’arrêter au fort San-Félipe et de construire des batteries de côtes surplombant la mer. Ce travail dure pour les pontonniers jusqu’en mai 1811. Il permet aux canonniers garde-côte de repousser les navires anglais en tirant à boulets rouges, afin de les dissuader d’approcher des côtes.  
Ces travaux permettent ainsi de parfaire l’encerclement de Tarragone, dont le siège commence. 

Début du siège de Tarragone (3 mai 1811) 
Située au bord de la mer, à l’extrémité des hauteurs qui séparent les eaux des rivières Gaya et Francoli la ville est assise sur un rocher escarpé et élevé, accessible seulement par la plaine côtière longeant la mer. La ville haute est en plus protégée par 5 redoutes et est facile à défendre.  
Mais ce qui ajoute encore à sa force, c’est le fort de l’Olivo, séparé de la ville par 400 toises(800 m) établi à même hauteur que la ville et autour duquel est creusé dans le roc un fossé rempli d’eau.  
Pour prendre cette ville, il faut donc enlever en premier ce fort, afin de permettre à l’artillerie de passer par la route du bord de mer, tout en écartant les navires anglais, raison pour laquelle des batteries de côte ont été construites par nos troupes.  
Arrivé à proximité de la ville le 7 mai 1811 le génie construit une redoute à environ 600 toises de la rivière Francoli (1.100 m) pratiquement hors de portée des canons espagnols.
Construction de ponts puis encerclement
Ensuite, les pontonniers procèdent à la mise en place d’un pont de chevalet, adossé au pont de pierre qui les protège du tir de l’ennemi. A cet endroit la rivière est profonde d’environ  2 mètres et les pontonniers ne peuvent entrer dans l’eau.
Une fois ce pont établi, les pontonniers et le Génie  construisent un plus léger à 400 toises (800m) du premier,  afin que les troupes d’infanterie rejoignent leur camp sans faire un long détour et sans entraver le passage des convois sur l’autre pont.  
Pendant que durent ces travaux, les assiégés tentent une sortie vers Alcover, mais sont repoussés.   La première attaque du fort de 1’Olivo a lieu le 21 mai 1811 mais elle échoue et un second assaut a lieu le 29.   Il est couronné de succès malgré une résistance acharnée de sa garnison espagnole. Sa prise permet aux sapeurs de creuser sans danger des tranchées autour de la ville basse avec l’aide de l’infanterie et de parfaire l’encerclement.
Assaut final puis reddition de Tarragone ( 28 juin 1811)  
Grâce à cet ensemble de travaux, la redoute espagnole qui gène le passage de la rivière est prise le 7 juin, puis la redoute du Prince le 21 juin 1811. Mais le Général espagnol CAMPOVERBE vient au secours de la ville par le sud et les Français doivent le repousser. Enfin l’assaut final a lieu le 28 juin et la garnison espagnole se rend.  Cette victoire coûte la vie à 4. 500 soldats français et de nombreux blessés, parmi lesquels le pontonnier Bernard GAILLARD, mort de ses blessures.
 
Après la prise de Tarragone, le Générai SUCHET remonte vers le nord, en direction de Barcelone et enlève la forteresse quasi imprenable de Montserrat le 28 juillet 1811. mais comme les pontonniers étaient encore à Tarragone avec leurs ponts et n’ont pris aucune part à cette action,  elle ne sera pas relatée 
Pendant ce temps, l’Empereur, satisfait du général SUCHET l’a nommé Maréchal et Duc d’Albuféra le 8 juillet 1811 ainsi que Gouverneur Général de l’Aragon.
Celui-ci laisse donc des garnisons à Tarraqone et couvre la navigation sur l’Ebre par des troupes basées à Lérida, tandis que les pontonniers retournent à Tortosa. Mais il leur a fallu auparavant démonter les ponts qu’ils ont construit, regrouper les matériels,  raisons pour lesquelles les pontonniers de la 2ème compagnie ne seront de retour à leur garnison de Tortosa que le 15 juillet 1811.  
Entre temps, l’Empereur renforce l’armée de SUCHET qui devient l’ ”Armée d’Aragon”. Son entretien est désormais assuré par des impôts levés sur l’Espagne tandis que l’Administration est réorganisée et que des aragonais y participent. C’est à cette période que le Maréchal SUCHET fait preuve de ses qualités humaines et d’administrateur qui lui vaudront après la guerre d’ètre le seul général français à ètre honoré par les Espagnols.

L’Empereur demande de prendre le port de Valence
Mais si l’Empereur sait dispenser les honneurs,  il est aussi exigeant et il a ordonné le 25 août 1811 au général Suchet de prendre Valence car il escompte que la chute de cette forteresse amènera la pacification de l’Espagne. Aussi prend-il une série de mesure afin, que ce dernier bénéficie de renfort du 7 ème corps de Catalogne, que les généraux Montbrun et Darmagnac des armées  du Portugal et du Centre ainsi que le maréchal Soult fassent mouvement vers Valence où s’était retranché l’armée espagnole des généraux Blake et ODonnel C’était une opération combinée, aussi, avant de prendre la direction de cette ville importante, le maréchal SUCHET fait-il effectuer par le général VALLE une étude sur les délais et moyens nécessaires pour prendre cette ville. Cette étude qui figure aux Archives Nationales (384AP103) révèle que pour transporter sur les 550 kilomètres de Sarragosse a Valence, le délai était de 50 jours, avec 1.130 voitures de matériels divers (poudres, boulets, armes,  pelles, pioches, nourriture etc.) tirées chacune par 4 chevaux, soit 4.520 chevaux, auxquels il faut ajouter 700 chevaux pour l’artillerie, composée de 20 canons de 24, 4 mortiers de 12, 4 de 10 et 2 de 8.  
A la lecture de ces chiffres, on se rend compte des problèmes que cela devait poser dans un pays où le fourrage est rare. Le regroupement des troupes concernées par la prise de Valence concernait environ 22.000 soldats car la division Musnier resta avec ses 8.000 soldats en Aragon et la division Frère conserva ses 6.000 soldats pour protéger la navigation sur l’Ebre et le canal d’Aragon.
Enfin tout est près et cette masse d’hommes et de chevaux se forme en 3 colonnes au départ de Tortosa et prend la route le 15 septembre 1811.
En colonnes vers Sagonte et Valence
La première colonne, la plus importante,  comprend la 3 ème division du général HABERT, la cavalerie l’artillerie et le génie. Elle emprunte la route la plus carrossable, c’est à dire celle du littoral qui rejoint Tortosa, puis longe la mer jusqu’à Valence. La 2 ème compagnie de pontonniers est du nombre et a été retirée des transports des transports fluviaux sur l’Ebre où elle utilisait ses 14 bateaux. En effet, son travail était l’un des plus important, faire passer l’artillerie en priorité mais aussi le troupeau de bœufs que chaque régiment emmenait à sa suite pour son ravitaillement. La seconde colonne, formée par la 2 ème Division du général HARISPE passe par la route aride et désolée de l’intérieur du pays, par Téruel, tandis que la 3ème, entièrement constituée par la division italienne et les Napolitains, aux ordres du général Palombini, passe par les montagnes et Morela.  
Sur son chemin, la première colonne passe A proximité des forts espagnols de Péniscola et d’Oropésa qu’elle prendra facilement, puis s’arrête devant le fort de Sagonte, qui domine et contrôle la route côtière et Murviédo où les troupes françaises entrent le 27 septembre.

Prise de Sagonte (2 octobre 1811 )
Afin d’amener les canons de siège à portée de cette redoutable forteresse, le génie est dans l’obligation de tailler dans le roc une route d’accès. En position de tir le 12 octobre, ces canons ouvrent le feu et pratiquent une brèche dans la muraille et un premier assaut est donné vainement le 18 octobre. Les troupes espagnoles du général Blake tente de briser l’encerclement mais sont battues et repoussées au delà du fleuve Guadalaviar. Un second assaut est donné avec succès le 26 octobre car les troupes espagnoles se  savaient sacrifiées et se rendent rapidement. 
Meurte d'un pontonnier au cours d’une rixe avec les troupes napolitaines
Les pontonniers n’ont pris aucune part ce combat, car au moment des faits, ils se trouvaient loin en arrière, ce qui fait l’objet du chapitre suivant. On le sait, les pontonniers sont rarement aux avants postes en raison de l’encombrement de leurs équipements, et se trouvaient loin derrière, à Tortosa. Par quel hasard la 2ème compagnie rencontra t’elle l’unité napolitaine qui avait pris la fuite alors quelle escortait des pontonniers ? On n’en sait rien, mais toujours est-il que le 3 décembre 1811,une violente dispute éclate entre pontonniers et napolitains et qu’un sergent napolitain porte un coup de couteau à un pontonnier qui est tué sur le coup (25). Son identité n’a pas été mentionnée sur le rapport transmis au Maréchal SUCHET qui a donné des instructions pour que la Justice Militaire se saisisse rapidement de cette affaire et évite la publicité qui aurait pu nuire à nos armes.
Cette affaire est symptomatique du climat régnant entre les différentes nationalités coopérants dans les armées napoléoniennes. A ce sujet, on peut dire que les napolitains étaient peu appréciés de leurs collègues français et véritablement haïs par les espagnols.
 
Les préparatifs du siège de Valence ( octobre 1811- 25 décembre 1811)
Valence, Capitale du royaume du même nom, était défendue par une ligne continue de terrassements garnis et formant camp retranché autour de la vieille ville Un grand nombre de canaux d’irrigation, profonds et remplis d’eau courante font la richesse de ses cultures, mais forment également des obstacles difficiles à franchir. 20.000 soldats réguliers, commandés par le général espagnol BLAKE, la défendent. Dans un premier temps et comme mentionné « supra » ces militaires ont tenté de venir au secours du fort de Sagonte, mais ayant échoués, sont venus se retrancher dans Valence.
Lorsque les pontonniers arrivent devant la rivière Guadalaviar, celle-ci  est en crue et constitue un obstacle difficile à franchir. A cette occasion, le Maréchal SUCHET prend une série de mesures qui révèlent son sens de la diplomatie, quant on sait que les armes du génie et des pontonniers d’artillerie sont en concurrence quasi permanente. Mais plutôt que tenter d’expliquer cela, mieux vaut relater ces ordres relevés sur le registre de correspondance (26).

- Le 23 décembre 1811, au général du génie ROGNIAT.  “ Vous craignez de voir le passage de l’armée retardé par l’obligation de n’employer que des madriers de 6 pieds (2 mètres). J’ordonne au général d’artillerie d’établir un pont au-dessous de Paterne et je pense que vous pourrez en faire un à Mislato et un autre en face du Grao, ces deux ponts servant au passage de corps moins nombreux. Vos moyens sont suffisants, mais comme l’artillerie n’aura que 48 heures pour opérer, je vous charge, pour le bien du Service, de mettre à la disposition des pontonniers les chevalets que vous avez préparé à Paterna ”.
- Le même  jour, à VALEE, commandant l’artillerie : “ Je vous préviens et vous seul (souligné dans le texte) qu’à moins d’événements contraires, je désire passer le Guadalaviar à 6 heures du matin le 26 décembre. Je sais que vous avez peu de temps pour vous préparer, mais que votre zèle ne connait point d’obstacle pour assurer le succès de l’armée.” 

Comme on peut s’y attendre, ces ordres déclenchent une activité fébrile chez les pontonniers. Heureusement que leurs chariots sont chargés et que la route du bord de mer est plate, ce qui permet aux lourds chevaux de prendre le trot, car il n’est pas question de galoper avec une masse de plus de 2 tonnes à tirer. Enfin, après 2 mois d’observation et travaux de siège, les troupes de Reille et d’Harispe sont en place sur les deux rives de l’Ebre le 24 décembre 1811 et le général Suchet jugea le moment venu pour investir Valence.

Les pontonniers de la 2 ème compagnie aidés du Génie lancent de trois ponts le jour de Noél 1811 
Une fois sur place, les pontonniers se mettent aussitôt au travail. Grâce aux chevalets préparés par les sapeurs du Génie devant Paterna, une partie des pontonniers construit rapidement un pont depuis la rive gauche. Les autres mettent leurs bateaux à l’eau et établissent un pont de barques, mises parallèlement à la rive. Ce pont de bateaux a permis à la division Reille, venue de Catalogne en renfort, de traverser, ainsi que les 100 pièces d’artillerie venues de Tortosa. Le Génie a également lancé 2 ponts de chevalet, l’un utilisé par les  division de cavalerie et celles du général Harispe,  tandis que l’autre servait à la Division Habert.
La construction du pont de bateau réalisée en une heure restera comme morceau de bravoure des pontonniers dont l'unité est citée à l'ordre de l'armée d'Aragon sur rapport du général Valée qui écrivit " On fit venir en toute hâte une portion de l'équipage de pont et un pont de bateaux a été construit dans la nuit de 25 au 26 décembre 1811 par la 2 ème compagnie du 1er bataillon de pontonniers. Le passage de vive force executé au dessous de la place vis à vis du Lazaret a été celui où l'artillerie a servi avec le plus d'avantages...." Bien entendu, le général Suchet fit suivre et écrivait " La prise du fort d’Oropésa et de Sagonte avaient été les premières opérations pour préparer la prise de Valence. Deux ponts de chevalets avaient été préparés par le génie et un pont fut jeté dans la nuit du 25 au 26 avec une extrême rapidité, pour le passage de l’artillerie et de la cavalerie. Le chef de Bataillon CAPELLE, commandant l’artillerie de la division Habert, qui venait d’effectuer un passage de vive force entre le Grao et le Lazareti, et le Capitaine ADAM, commandant la 2 ème compagnie de pontonniers, se distinguèrent par leur zèle, leur dévouement et leur courage ”..

La campagne de  prise de Valence (26 décembre 1811 au 9 janvier 1812)  
 Après que les Français aient creusé une tranchée d’attaque et mis en place les canons de siège, la ville demande à capituler. La reddition a lieu le 9 janvier, et Valence livre 18.000 prisonniers, dont 23 généraux et 393 pièces de canons.  Les assiégés s'étaient honorablement défendus contre des troupes deux fois plus nombreuses.
« Voici la lettre que le maréchal Suchet adressa au prince Bertier major Général à propos de ce siège. Au camp de Valence, le 29 décembre 1811.
Monseigneur,
Dès l'instant qu'une partie du corps du Général Reille  fut arrivée à Ségorbe le 24 je m’y rendis pour en passer la revue, et, par une marche forcée de trente heures, je le fis arriver sur les bords du Guadalaviar le 26 au matin. Dans la nuit du 25 au 26 décembre 1811, deux ponts de chevalets avaient été établis par le Génie sur ce fleuve, tandis qu'un pont de bateaux y avait été jeté par l'artillerie en une heure ».
Décidément, les pontonniers étaient rapides et entraînés. Pour sa part, l'Empereur imposa à la ville de Valence une contribution de guerre de 50 millions de Francs.

Malgré la prise de Valence, la campagne de 1812 est marquée par une détériorisation de la situation.
 Satisfait d’avoir assiégé victorieusement Valence et contrôlé cette région fertiles, 1’Empereur nomme le Maréchal SUCHET duc d’Albuféra et un décret impérial du 23 janvier 18l2, attribue une dotation de 200 millions de francs  à l’Armée d’Aragon, au grand dam des autres généraux. Il faut dire que ceux-ci se battent dans le centre de la péninsule ibérique et la côte atlantique contre des troupes espagnoles, mais surtout anglaises. Au combat, celles-ci sont plus pugnaces que les espagnoles, dont seule l’artillerie se montre efficace. En outre, le Maréchal SUCHET a l’avantage d’avoir un commandement séparé, ce qui le met à l’abri des jalousies des autres chefs de Corps d’armée, la guerre d’Espagne ayant pour caractéristique un manque de cohésion dans les campagnes militaires consécutif à l’absence de l’Empereur qui commande à distance et hors du théâtre d’opération.
La situation militaire se dégrade, même en Aragon .
Une fois établi dans Valence, le Maréchal SUCHET passe sous le commandement direct du Roi Joseph et se consacre à l’administration du vaste territoire qu’il a conquis (l’Aragon), une partie de la Catalogne et le royaume de Valence. La perception et les recettes de finances sont confiées aux “corregidors” espagnols, sous le contrôle des autorités françaises. Il n’oublie pas les services rendus par ses soldats et reverse à ses artilleurs les sommes récoltées en Juillet 1811 après la prise de Tarragone et en janvier 1812 pour celle de Valence. Dans ce dernier cas, il s’agissait de la somme de 300.000 acquise par la vente des cloches aux habitants des villes conquises. Ces versements étaient effectué suite au décret de Napoléon du  22 septembre 1810 concernant les clochers des villes conquises par siège.  
Mais le territoire qu’il contrôle est très vaste et il est dans l’obligation de disperser ses troupes et surtout son artillerie dans de nombreuses garnisons. De ce fait, les paysans reprennent la guérilla et nos troupes se cantonnent dans les villes.  La situation est pire dans les autres provinces occupées par nos troupes et devant cette situation, le roi Joseph se rend à Paris pour demander des renforts à son frère. Il est pratiquement éconduit et n’obtient rien, pas même un secours pour enrayer la famine qui règne en Castille.
Devant la dégradation de la situation, SUCHET prend le maximum de précautions et fait mettre Valence en défense, par le génie et le parc de campagne de l’artillerie et installe des batteries fortifiées à Bénicarlo, Oropésa et Bénicassim afin de protéger la route côtière indispensable  pour les communications. Il envoie ensuite le général HARISPE avec sa division le plus au sud pour protéger Alcira, Dénia, Alcoy, San Félipe et la vallée de la rivière Yucar.
Les pontonniers sur la rivière Yuccar 
Afin de favoriser la liaison entre son commandement et les troupes qu’il a envoyé au sud, il donne l’ordre à la 2 ème compagnie de pontonniers d’établir un pont sur la rivières Yucar pour sa 2 ème division (Harispe) établie à Mogente (Moixente) vers le col de la Atalaya et Fuente de la Higuéra alors que la 3ème (Habert) est à Albrayat, Bénigam et le col d’Aizaneta. Des reconnaissances auraient également été effectuées à proximité d’Alicante. Ces localités marquent l’emplacement le plus du sud de l’armée d’Aragon. Par contre, alors que dans les phases précédentes de cette guerre, on retrouve souvent traces dans les archives du mode de construction employé, on sait seulement qu’il s’est agit cette fois d’un pont de bateaux établi textuellement “sur le Yucar, en direction de la route du bord de mer ”, sans que l’on puisse situer autrement son emplacement entre Alcira et Cullera.
Accentuation de la dégradation générale  pour les troupes françaises
Mais la situation dans les autres provinces se dégrade rapidement et après la défaite de nos troupes aux Arapiles (22 juillet l812), le roi Joseph évacue Madrid et se dirige vers Valence et l’Armée d’Aragon afin de s’y réfugier. Suivi d’un cortège de 2 à 3.000 voitures de toutes sortes, emplies de ses fidèles, de sa cour et des “afrancesados”(espagnols ayant collaborés avec nos troupes) avec leurs familles, cette troupe disparate arrive à Valence le 9 5eptembre 1812. Elle se repose dans la ville quelques jours mais le ravitaillement est rare, aussi l’armée d’Aragon ne peut la garder en subsistance et l’envoie vers la Catalogne afin qu’elle regagne la France par étapes. Comme SUCHET lui-même le déclare dans sa correspondance, ces “bouches inutiles ” partent en convois les 11 et 13 septembre 1812 et purent passer par Montserrat repris par les généraux Decaen et Mathieu. Pendant, ce temps, les pontonniers sont remonté du Yucar, car on ne peut laisser ainsi un équipage de pont à l’extrémité du dispositif militaire. C’était une sage mesure car le 5 octobre des navires anglais débarquèrent  des troupes et quelques pièces d’artillerie au sud de Denia mais furent repoussées vers Alicante.
 Aussi le maréchal SUCHET laisse t’il une partie de ses troupes à Valence et envoie l’autre partie au Fort de San Félipe, importante forteresse bien protégée entre Tortosa et Tarragone. Il fait également remonter le matériel vers Tortosa, car il sait par une reconnaissance du général Harispe que les anglais débarqués à Denia étaient l’avant-garde d’une corps de 40.000 soldats anglo-siciliens  remontant vers le nord.

Valence, base et centre de repli pour le maréchal Soult et les troupes françaises en retraite
De son côté, le Maréchal SOULT évacue le centre de l’Espagne après avoir protégé le départ du Roi Joseph et, sur instruction de l’Empereur, prend le commandement de l’Armée d’Espagne. Il vient aussi se réfugier à Valence, l’armée d’Aragon étant en quelque sorte le havre des troupes françaises. Bien entendu, SUCHET qui n’a pas dérnérité,  bien au contraire, n’entends pas se laisser déposséder de son corps d’armée et proteste énergiquement le 6 octobre 1812 en ces termes “votre excellence connaît l’ambition de ce Maréchal arrivé avec le désir de combattre et en même temps de tout envahir. Je commande une petite armée bien organisée, bien tenue et bien dévouée et il la demande en totalité ”. Bien entendu, il ne reçoit aucune réponse et, contraint et forcé, il s’efface devant SOULT.  C’est pratiquement la fin de l’armée d’Aragon. 
L'action des guérilla et des sabotages
En effet, les Espagnols s’enhardissent et alors qu’ils n’attaquaient pas les soldats de l’armée d’Aragon qu’ils surnommaient “les nôtres ”, car ils étaient conscients des efforts de SUCHET pour administrer la province, ils se mettent à attaquer sans distinction toutes les unités isolées. En outre ils se livrent à des sabotages, ce qui ne s’était pas vu depuis 1809 en Aragon (explosion de la poudrière de Lérida, empoisonnement de citernes à Barcelone, destruction de 20.000 rations de pain etc...)
Devant la dégradation de la situation générale et depuis le mois de Septembre 1812 , l’armée d’Aragon manque de vivres et rapatrie sur Tortosa tous les blessés et éclopés afin de les renvoyer en France. Ils partent ensuite sur Bayonne et la France , escortés par les troupes et les nombreux officiers qui rejoignent la Grande Armée en Russie car on ne peut circuler qu'en convois en raison de l'activité des « guerrillas » espagnoles. 

Une note personnelle

C'est au cours de son travail quotidien que mon ancêtre le charpentier Edmé Connat, blessé accidentellement près de Valence - il avait été écrasé - passa devant la Commission de Réforme de Tortosa et fut réformé le 11 octobre .
Il fut rapatrié avec un autre pontonnier du 2 ème bataillon et quitta l'Espagne le 21 Octobre 1812, sous escorte de deux compagnies d'infanterie dans un convoi de 1411 hommes de troupes, 66 officiers de toutes armes voyageant à bord de 110 voitures tirées par 431 chevaux. (27)
Ainsi prenait fin pour lui cette guerre impopulaire mais il ignorait, qu'une fois rentré chez lui, il verrait les troupes d'occupation prussienne en 1814 dans son village de l'Yonne 

La 2 ème compagnie de pontonniers entame  sa retraite vers la France
Mais les tribulations de la 2 ème compagnie de Pontonniers n'étaient pas terminée car la situation était sans espoir pour l'armée d'Aragon qui ne comptait plus que 10.000 hommes, ayant dut transférer 20.000 hommes en Allemagne entre janvier et mars 1813.  La situation était partout difficiles et il ne restait en Espagne que 197.000 hommes démoralisés. Puis ce fut une série de défaites telles que la reprises de Pampelune par les espagnols en février, l'évacuation le 17 mars de Madrid par le roi Joseph Bonaparte et sa cour, escorté par 3.000 hommes qui se réfugie à Valence. Il en repartira en Juin , bloqué par les troupes espagnoles qui avaientr repris Pampelune, passage obligé pour Bayonne.
La victoire anglaise de Vitoria du 21 juin 1813 donna le signal de la retraite générales pour les troupes françaises . Le général Suchet abandonna Valence et remonta vers la France avec son artillerie et ses pontonniers . Il dut combattre à Tarragone le 12 juin contre les troupes espagnoles . Suchet entame sa retraite vers Barcelone le 5 juillet avec tous ses matériels, tandis que sur  la côte atlantique, les troupes françaises sont battues le 10 novembre à Nivelle tandis que Bayonne est assiégée.
C’est la fin du théâtre d’opération espagnol et le 11 décembre 1813 le traité de Valencay rend le trône d’Espagne à Ferdinand VII. Il faudra du temps avant que l'Espagne  oublie l'occupation des troupes françaises de Napoléon.

La bataille de France commence en 1814 pour les troupes françaises.
 C’est la retraite générale avec des combats retardateurs comme à la bataille d'Orthez de janvier au 27 fevrier 1814 à laquelle participèrent les pontonniers rescapés des 4ème et 10ème compagnies du 1er bataillon (8) de l'armée d'Espagne qui retraitenten direction de Mont-de-Marsan. De son côté, le général Suchet s’est retranché dans Toulouse avec les rescapés de la 2 ème compagnie de pontonniers. Mais l’avance des troupes anglaises est irrésistible et le 10 avril elles prennent Toulouse.
De leur côté, les troupes prussiennes et russes marchent sur Paris, prenant les troupes de l’Empereur en tenaille. C’est le début de la fin pour la campagne de France qui allait amener la chute de Napoléon.

La  2 eme compagnie de retour.
C’est la fin de mon récit sur les pontonniers de la 2 ème compagnie du 1er bataillon. Entre novembre 1808 et novembre 1812, cette petite unité avait perdue 16 hommes tués, blesssés ou prisonniers sur les 60 parti de Strasbourg. Encore faut-il ajouter ceux disparus en 1813 et 1814. C’est beaucoup pour ces oubliés de l’Histoire car même l’historique du corps des pontonniers les cite simplement comme ayant participée à la guerre d'Espagne.
Au moins, on aura parlé d'eux !!!.

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