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Historique du corps des pontonniers militaires 


Les premiers pontonniers, des volontaire strasbourgeois (1792-1794)

Au mois de septembre 1792, le général Biron, commandant l'armée du Rhin, demande à la municipalité de Strasbourg de former avec la corporation des bateliers locaux  une compagnie qui sera chargée de l'entretien du pont sur le Rhin et de la garde des écluses de la ville. La création est décidée le 2 octobre 1792.  L'exaltation révolutionnaire, qui agite les bateliers strasbourgeois, les conduit à former d'eux-mêmes et simultanément une deuxième compagnie.

Pontonniers de Strasbourg vers 1796. Selon Onfray de Breville dit Job (1858-1931)Photo WikiGallery.comCes deux compagnies strasbourgeoises accompagnent l'offensive du général Custine jusqu'à Mayence  ( Rhénanie-Palatinat) en octobre 1792, sur l’autre rive du Rhin. Elles y assurent, pendant le siège de la   ville par les Prussiens, la liaison entre les troupes françaises établies sur les deux rives du Rhin. Elles sont aidées par les bateliers allemands de Mayence qui forment  quatre compagnies. L’ensemble commandé par Frédéric Hoffel  quitte les lieux à la fin du siège et prend garnison à Strasbourg au mois de juillet 1793. 
Elles sont rejointes en 1793 par deux compagnies levées sur ordre du général Pichegru parmi les bateliers de l'Ill et du Haut-Rhin.  
Ces  huit compagnies à vocation militaro-corporatiste prennent le nom de Corps des Pontonniers de Strasbourg puis se constitue en bataillon commandé par le sans-culotte Darbellet, élu comme les autres officiers.  Ils se dotent du nouvel l’uniforme de l’infanterie mais avec un chapeau caractéristique qui marque leur différence par rapport aux autres unités militaires de l'époque.

Les volontaires demandent leur intégration dans l’armée active de la République 

L’inconduite des effectifs est notoire et la plupart ne savent pas écrire. Néanmoins, le 1er Mai 1794, tous adressent une pétition à la Commission Militaire siégeant à Paris, avec  la liste des présents et sous le timbre des « pontonniers et matelots du Rhin » . Ils demandent à être incorporés dans l’armée d'active, à percevoir  les arriérés de solde et prestations réglementaires et à être renforcés par des effectifs nouveaux. La liste des présents jointe à la requête montre que  l’effectif total est réduit à 166 hommes, cadres compris, de nombreux volontaires et la plupart des pontonniers de Mayence ayant regagnés leurs foyers. Constituée en quatre compagnies, cette troupe est composée à 58% d’originaires de Strasbourg et des environs, de 34 % du Bas-Rhin.

Plusieurs courriers de cette époque mentionnent le  bataillon  des  "pontonniers  et   matelots    révolutionnaires" ou bien des "bateliers militaires du Rhin" ou enfin des "bateliers volontaires du Rhin" .  La Commission de la Convention Militaire, structure chargée par le Directoire de procéder  aux nominations par Procès-Verbaux des officiers de toutes armes isus de la Révolution, édifiée de la mauvaise conduite de cette troupe corporatiste, ne répond pas aux requêtes.

Les autres pontonniers des armées de Sambre-et-Meuse et de Hollande

Depuis la loi du 17 frimaire an II ( 7/12/1793 ) qui avait défini les modalités de gestion financière des divers armes  et corps militaires ( 1) l’armée d’active comprenait théoriquement 560 pontonniers, indépendamment des pontonniers de Strasbourg qui avaient demandé leur intégration.. En fait, dès la campagne de Hollande en 1794, les généraux  avaient du pallier l’absence de pontonniers militaires pour franchir les rivières et s'assurer des concours extérieurs . Ainsi  l'armée de Sambre-et- Meuse commandée par le général Jourdan fut dans l'obligation d’utiliser des mariniers hollandais qui entendaient être soldés comme cela se pratiquait sous l'ancien régime.

Il en fut de même pour le général Chonet de Bollemont, commandant  les armées de Belgique puis du Nord en 1794 qui dut organiser trois compagnies de pontonniers volontaires  de la Meuse et de la Moselle. Ils participèrent avec lui au siège de Charleroi en 1794 puis sur le Rhin en 1795. Il s’agit apparemment des compagnies  commandées par le capitaine Louis Tirlet de l'armée du Rhin-et-Moselle. A la suite de ces faits et aux demandes réitérées de la hiérarchie militaire pour obtenir des pontonniers,  le Directoire  accepta la proposition d’entrée dans l’armée active des pontonniers volontaires de Strasbourg. Ils entrèrent immédiatement en opérations.

Les effets de la réorganisation de l’artillerie sur les pontonniers (1795- 1800) 

C’est dans ce cadre général que l’artillerie fut réorganisée par le Directoire selon la loi du 7 mai 1795 qui créa seize  régiments d’artillerie assistées de douze compagnies d'ouvriers et d’un bataillon de pontonniers à huit compagnies. La présence des pontonniers s'explique, d'une part par une Décision royale de 1703 attribuant la responsabilité des  ponts à l'arme de l'Artillerie et, d'autre part la présence  en son sein, elle est seule à en avoir, de compagnies  d'ouvriers, qui ont déjà la responsabilité des matériels  d'équipage de pont codifiés par Gribeauval. C'est tout naturellement que les pontonniers s'installent dans le  quartier de la Courtine des Juifs à Strasbourg, puisque c'est là qu'étaient stockés, dès avant 1789, les matériels  Gribeauval, en particulier les bateaux maintenus  immergés afin d'éviter leur détérioration..

C’est ainsi que les pontonniers de Strasbourg seront intégrés dans l’armée mais, dès le 27 Mai 1795, avant la promulgation de la loi,  le chef de bataillon Dedon l'aîné reçut l'ordre d’organiser le nouveau corps des Pontonniers et d’amalgamer les volontaires et l’armée d’active. Il commença  par renvoyer le sans-culotte Darbellet,  intégra Hoffel  comme capitaine et forma des compagnies épurées des mauvais sujets.

Création de deux bataillons de pontonniers

Dans le même temps, la loi sur l’armée du 18 floréal an III (7 mai 1795) précisa que les pontonniers chargés de la mise en oeuvre des équipages de pont seront constitués en deux bataillons. Ainsi le 1er bataillon naquit officiellement sous le commandement de Dedon le 12 Juin 1795. Mais déjà, l’une des compagnies, la deuxième était engagée à Landau où son commandant, le capitaine Daniel Ulrich fut tué  le 15 janvier 1795.

La naissance du second bataillon fut plus difficile car le matériel venant des dépôts royaux était en mauvais états et permettait  seulement d'équiper les 2 compagnies de 60 hommes aux ordres du capitaine Louis Tirlet ( 2)  C'est elles qui  seront chargé de l’équipage de pont destiné à ll'armée d'Allemagne ( 3) .  

Le second équipage prévu pour l'armée d'Italie formée par le général Bonaparte le 2 mars 1796 n’était pas prêt et les 2 compagnies prévues pour ce théâtre d’opération n'avaient pas de matériel car les lourds chariots ne pouvaient passer les cols des Alpes. Aussi le général Bonaparte fut confronté au problème posé par les nombreux cours d'eau qui, , tous sauf le Pô,  étaient  perpendiculaires à son axe  de marche. Sans moyens de franchissement et d'équipage de pont, il fit créer par le chef de bataillon Andréossy deux compagnies de   pontonniers avec des bateliers lombards. Il faudra deux ans au commandement pour gommer les disparités d’origine des compagnies et réorganiser militairement les pontonniers en  deux bataillons. 
En effet, le 29 février 1797,1e Général Eblé, qui commandait en chef l'artillerie de l'Armée du Rhin, écrivait encore au Ministre: "... Je suis cependant parvenu à écarter ceux (les officiers du 1er bataillon) qui ne savent pas écrire, ainsi que ceux qui, par leur ineptie et leur mauvaise conduite, ne méritent pas de commander à d'autre hommes". Son bataillon sera complété officieusement à huit compagnies en février 1797, mais  son existence n’est confirmée que par la loi  du 9 septembre 1799. En son sein cohabitaient les deux compagnies lombardes, renforcées par  une troisième crée en 1800 puis dissoute en 1801 pour être intégrés dans le deuxième bataillon affecté à  l'armée d'Italie avec les renforts venus de France.

Les compagnies bis du 1er bataillon

La dispersion des divers corps d'armée en Europe continentale amène le commandement à dédoubler chaque compagnie de pontonniers à partir du 22 septembre 1798 (1er ventose an 6) en créant des compagnies bis. A partir de cette date, chaque compagnie du 1er bataillon, dont l'effectif théorique était de 72 sous-officiers et pontonniers,  sera divisée en deux compagnie soeurs dite compagnie bis, dont l'effectif  variait entre  35 à 45 hommes, formées de conscrits encadrés de pontonniers et de sous-officiers confirmés. Ainsi le 1er bataillon comptait en réalité 16 compagnies opérationnelles mais à effectifs réduits. Cette constatations a été faites d'après le relevé des registres matricules mais n'ayant pu accéder à celui du 2 ème bataillon, nous ignorons s'il en était de même pour les pontonniers d'Italie dont la 1ère compagnie opérait en Egypte


L’unification opérationnelle de ces deux bataillons (1800-1804)

 Commandant l'artillerie de l'armée d'Helvétie  en 1799 et ayant commandé les pontonniers du Rhin et ceux d’Italie, le général Eblé était à même de comparer  l'état d'esprit et l'efficacité opérationnelle des compagnies  D'accord avec Dedon, commandant le ler  bataillon, il proposa de réunir les deux bataillons sous  un seul chef et conseil d'administration. Ce projet sera agréé par le Comité central de l’artillerie du Consulat créé par acte du 15  nivôse an VIII (5 janvier 1800)  et réalisé le 17 avril 1800 sous  l’appellation définitive de "Artillerie-Pontonniers" qui succédait aux pontonniers volontaires de Strasbourg et de l’armée du Rhin. C'est ce comité et l'Inspecteur général de l'artillerie qui désormais  procédaient aux nominations des officiers d'artillerie et de pontonniers  après contrôle de leurs compétences. 
Cette nouvelle organisation sera l’occasion d'effectuer  des mutations d'officiers et de personnels à l'intérieur du corps afin d'amener toutes les compagnies au meilleur niveau  technique et d’achever leur militarisation.C’est ainsi que le corps des pontonniers sera dorénavant commandé par une structure administrative analogue à celle d'un régiment de plein exercice, les  deux bataillons gardant leur indépendance au plan opérationnel.

Organisation et effectifs des pontonniers

Le  corps des pontonniers était composé d'un Etat-Major commandant 2 bataillons de 599 hommes soit 1198 pontonniers et sous-officiers. Chaque bataillon comptait 8 compagnies de 72 hommes soit 16 compagnies au total. Dès l’origine de ce corps, les pontonniers sont constitué en deux bataillons dont la caserne et l 'école de pont étaient à Strasbourg. A partir de 1800, le corps des pontonniers était constitué d’un Etat-Major commandant les 2 bataillons. Chacune de ces unités comprenait 8 compagnies avec un effectif de 599 pontonniers et sous-officiers soit un total de 1198 soldats et 16 compagnies. Dès l'origine, le 1er bataillon avait vocation à opérer au delà du Rhin, et le 2 ème bataillon au delà des Alpes, d'où leurs appellations de pontonniers du Rhin et de pontonniers d'Italie,, du nom de leurs théâtre d'opération respectif.

Le casernement et l'école de pont de Strasbourg

Dès la création des premières compagnies  de volontaires en 1792-1793, les pontonniers prirent garnison dans la casernes d'infanterie de l'ancien régime dite "de la courtine des juifs",  construite en 1740, non loin de la célèbre cathédrale de Strasbourg, ville frontière avec l'Allemagne depuis  1681 et fortifiée par Vauban. Cette caserne allait servir de casernement, d'école et de dépôt pour les pontonniers pendant près d'un siècle. Elle était située au sud-est de la citadelle, face à la zône marécageuse localisée  entre le Rhin à droite et l'Ill à gauche, en bordure du canal. Son entrée principale était située dans le quartier des Droits de l'Homme, entouré d'eau. Une sortie située à  l'arrière de la  grande cour  donnait sur le  quai d'embarquement pour les bâteaux de l'école des ponts qui naviguaient  sur le canal. A proximité immédiate se trouvait l'une des portes d'entrée de la citadelle dite "la porte des juifs", appellation datant des années 1645 car à cet  emplacement se trouvait " la Jugen Thor" (tour des juifs).
Le corps de bâtiment principal était un long édifice en pierres, de 3 ètages sur rez-dz-chaussées, orienté Ouest-Est, façades au Nord et au sud . Tranché par 3 escaliers desservant cinquante chambres  avec cinq  lits, soit 750 personnes, il  était couvert en tuiles sur un  toit à deux pentes, à pans coupés aux deux extrémités. Les deux façades étaient percées de 26 fenêtres auxquelles s’ajoutaient 12 mansardes avec fenêtres  ouvrantes sur le toit. Les officiers logeaient dans l'extrémité droite, le rez-de-chaussée abritant des magasins. A l'ouest de cette caserne se trouvait  différents bâtiments, dont les 2 principaux étaient ceux de la Direction du Génie et le pavillon du  Génie.
La caserne des pontonniers fut réhabilité en 1825 pour loger le corps des pontonniers royaux, utilisée en 1871 par l'armée allemande  puis  détruite vers 1890 sous l'Empereur Guillaume II d'Allemagne. A son emplacement fut  construit un établissement secondaire de jeunes filles, dans le style du XV ème siècle strasbourgeois. Inauguré en  janvier 1903, il devint par  la suite le " Lycée international  des pontonniers " qui existe de nos jours.
Cet établissement  perpétue ainsi le souvenir de ces  pontonniers qui vécurent en ce lieu pendant un siècle, de 1792 à 1870.


La caserne des pontonniers de 1795 à 1900 caserne des pontonniers en 1823, dite des juifs car située à la courtine de ce nom à Strasbourg.
La caserne face sud vers 1900. On voit au premier plan  les fortifications et la porte dite des juifs et sa passerelle. Sur le canal se jetant dans la rivière l'Ill sont  rangés les bateaux de l'école des ponts. Les bâtiments à gauche sont ceux du Génie.

La caserne face nord en 1825 était en jaune, selon le plan de la citadelle reconstituée au 1/600eme par le Musée des Plans-Reliefs à Paris dont les relevés datent de 1829/30. - cliché de Christian Carlet- Après 1825, le régiment occupa également la caserne des pêcheurs , à droite dans le prolongement du bâtiment de pontonniers

Les effectifs des pontonniers entre 1800 et 1825

Lecture du réglement

Les deux bataillons , commandés à partir du 29 janvier 1800 par le général Dedon chef de brigade, participerons de concert aux campagnes de la première Grande Armée en Autriche, Allemagne et Russie. C'est grâce à lui que les pontonniers et l'artillerie procédèrent aux adaptations fonctionnelles nécessitées par l'évolution des conflits, en particulier la création du Train d'artillerie indispensable aux déplacements de l'époque.

L'effectif total des pontonniers variait en fonction des périodes et des besoins du commandement. La plupart du temps, les compagnies étaient en sous-effectif, tant en officiers que sous-officiers et hommes de troupes. A titre d'exemple, certaines compagnies pouvaient compter 40 hommes, alors que d'autres étaient à 100 et même 120 comme le recommandait l'Empereur en Italie. De même, le commandement pouvait effectuer des recrutement locaux, soit pour construire des bateaux ou assurer leur transport comme le firent les généraux Eblé au Portugal et Bonaparte en Italie.

La normalisation des uniformes (1805-1807)

L’unification opérationnelle des pontonniers se doublera d’une normalisation de leur uniforme. A partir de la fin 1804, les pontonniers seront dotés de l'uniforme de l'artillerie à pied,  de couleur bleu national, le plus sobre de l'armée française et du shako. Ils perdaient ainsi leur chapeau si caractéristique qui les distinguaient entre tous, mais les signalaient aussi aux yeux de l’ennemi. Ils conservèrent cependant l'ancre des bateliers strasbourgeois comme distinctive.
C'est donc à partir de la 3 ème coalitions des royaumes européens contre le 1er Eloire que les pontonniers entrèrent en campagne avec cet uniforme.

.En 1808, l'ouverture d'un second front en Espagne amène l’Empereur à renforcer le 1er bataillon de pontonniers qui passe de 8 à 10 compagnies par transfert de 2 compagnies du 2 ème bataillon, lequel  ne compte plus que 6 compagnies. A cette époque, l'effectif du 1er bataillon ( 4 )comptait  1265 hommes et sous-officiers dont la répartition était la suivante: Par grades : 2 adjudants, 1 quartier -maître, 14 sergents-majors, 39 sergents, 50 caporaux, 18 tambours, 982 pontonniers sans distinction de spécialité.
Par professions : 1 chirurgien, 2 chefs tailleurs, 2 chefs cordonniers, 2 charpentiers, 2 chaudronniers, 10 calfats, 10 fourriers, 40 ouvriers, 25 sans spécialité.
Sur cet effectif, on comptabilisa à la fin de l'année 158 déserteurs, 65 réformés et 61 décédés - tués au combat ou par accidents et noyades.

Ce premier bataillon méritait amplement son appellation de bataillon du Rhin car sur 982 pontonniers du rang, 643 étaient originaires des 2 départements alsaciens. Jusqu'en 1814, le 1er bataillon comptera 1 compagnie à l'armée du Portugal ( la 10 ème) et 3 à l'armée d'Espagne ( les 2 ème, 4 ème et 6 ème compagnie) et 6 compagnies en Allemagne. Cette dispersion des pontonniers provoquera des problèmes administratifs et logistiques qui amènerons en 1811 le général Lariboisière, nouvel Inspecteur-Général de l'artillerie, à proposer le regroupement des deux bataillons de pontonniers en un seul régiment. Conscient que les pontonniers devaient être au plus près du commandement opérationnel de l'artillerie,  l'Empereur refusera d’appliquer cette réforme.

Le 10 octobre 1810, le 1er bataillon s'accroît de la compagnie de pontonniers réglée par la république batave -la Hollande - et passe ainsi à 11 compagnies.

En 1812, le général Eblé commande l'ensemble des pontonniers de la "Grande-Armée" en Russie  soit 7 compagnies du 1er bataillon et 4 compagnies du 2 ème bataillon, qui entrèrent dans la légende au passage de la Berezina. On ignore combien de pontonniers revinrent à Mayence, sans leur matériel brûlés à Orcha et Moscou mais ils devaient être peu nombreux car le 18 avril 1813, un décret daté de Mayence supprima les sept compagnies du 1er bataillon qui n'existaient plus que de nom. Le bataillon fut reformé avec six nouvelles compagnies formées d'hommes venus des bataillons supprimés, de nouveaux coscrits venus du dépôt de Strasbourg et de marins issus du 17e équipage de flottille. Le 2 ème bataillon fut également reformé et , par le même décret, un 3e bataillon, fort de 6 compagnies était créé mais on ignore quels étaient ses effectifs.. 

Le 18 novembre 1813, le 1er bataillon est porté à 14 compagnies puis le 1er décembre de la même année le 2eme bataillon est porté à 8 compagnies, soit un total de 22 compagnies avec en sus à partir du mois d' avril 1814 une compagnie d'ouvriers pontonniers de la Garde impériale. Mais il semble que ces soit des unités à effectifs réduits avec peu de matériels car on ne les signalent dans aucun combats d'alors. D'ailleurs l'ordonnance du 12 mai 1814 rassemble toutes les unités de pontonniers des 3 bataillons en un bataillon de 8 compagnies. Avec le retour de l'Empereur qui s'évada de l'île d'Elbe,  ce bataillon est porté,  en mai 1815,  à 10 compagnies dont la plupart participèrent à la bataille de Waterloo. Elles se dispersèrent après la défaite et seules les 6 ème et 7 ème compagnies combattirent en unité constituée à La Fère contre l'armée prussienne qui occupait  notre pays. 

Puis les compagnies trescapées furent rassemblées à  Bourges,  Laon et Limoges où elles furent licenciées le 9 novembre 1815 par le général Charbonnel au nom du roi de France Louis XVIII. Une partie de l'encadrement fut conservé dans l'armée royale en gestation

Le corps royal des Pontonniers

Sous la Restauration et après la dissolution de l'armée Impériale, une partie des officiers  restera au service du roi et sera intégrée dans le «corps royal des pontonniers » composé d' un bataillon  créé à Orléans  par ordonnance royale du 31 août1815. Il était composé sur pied de paix  de 6 compagnies . Il était en garnison  à Limoges en 1816, à  Nantes en 1817 et à Strasbourg enfin en 1818.

Une réminiscence du corporatisme originel

En 1833, le Ministre de la Guerre  décide de faire passer 2 officiers de marine dans l’artillerie  de terre dont un chez les pontonniers. Les officiers de pontonniers refuseront cette décision qui provoquera le déplacement du bataillon de la garnison de Strasbourg à celle  d’Auxonne.  Le  renversement du Gouvernement en mai 1834 ramena le calme et le bataillon fut ramené à Neuf-Brisach en 1835 puis à Strasbourg en 1836. Cet épisode explique que les pontonniers soient restés étrangers au coup d’Etat du prince Louis Napoléon Bonaparte du 30 octobre 1836.

Officier, sous-officiers et pontonnier au travail vers 1860.En 1840, les rebondissements de la question d’Orient entre l’Angleterre et la France amène le renforcement du bataillon de pontonniers qui devient régiment. Il est placé à la suite des 14 régiments d’artillerie et devient ainsi le 15 ème régiment d’artillerie-pontonniers. Il conservait ses cantonnements à Strasbourg, avec quelques compagnies détachées à Lyon.

Le calme revenu, les pontonniers se signalèrent lors d’un voyage à Strasbourg du prince Louis Napoléon Bonaparte élu président de la République en 1848. En effet, la Garde Nationale et les pontonniers l’accueillirent aux cris de « vive la République ». Une fois encore ils furent exilés à Auxonne jusqu’en 1851. Devenu troisième empereur des Français en 1852 sous le nom de Napoléon III, il décida en 1854 de réorganiser l’artillerie. Une fois encore, les pontonniers furent placés à la suite des régiments d'artillerie à pied et devinrent 6e régiment d'artillerie-pontonniers porté à seize compagnies. La portion principale resta toujours à Strasbourg dans ses quartiers de la Courtine des Juifs et des Pêcheurs, avec des compagnies détachées en Alsace. De 1853 à 1856 une compagnie de 133  hommes participa à l'expédition de Kilbourn en Russie pendant que la 10 ème compagnie restait en Algérie de 1855 à 1859. 

Dès 1860, le nombre des compagnies est  ramené à douze. En 1867, la crise du Luxembourg impose une modification de la structure des régiments  d'artillerie. Les pontonniers prennent la suite des  quinze régiments mixtes et deviennent 16e régiment  d'artillerie-pontonniers à quatorze compagnies, dont  plusieurs détachées à Lyon et une en Algérie. 

Pendant le Second Empire, une ou plusieurs compagnies participent aux guerres de Chine,  de Crimée, d'Italie et du Mexique;

La guerre de 1870 puis la défaite de 1871 éloignent les pontonniers de Strasbourg

   Lors de la mobilisation du 14 juillet 1870, les quatorze compagnies de pontonniers sont dispersées dans divers corps d’armée. Onze restent à Strasbourg, deux restent à Lyon et une en Algérie.

Leurs sorts seront les suivants :

Après la fin de la guerre et l'annexion de l'Alsace Lorraine par l’Allemagne, les pontonniers doivent quitte Strasbourg et sont regroupés dès le 21 mars 1871 à Lyon puis en août 1871 à la caserne Hautpoul à Avignon qui devient leur garnison. Seules les 5e et 10 eme compagnies resterons à Paris puis à Rueil jusqu'er 1878.

Nouvelle réforme et création de deux régiments d’artillerie-pontonniers

La loi du 13 mars 1875 crée un second   régiment d'artillerie-pontonniers  par dédoublement du  régiment existant. Le nouveau régiment sera  effectivement formé à Angers en 1878, l'ancien restant en garnison à Avignon. Ces deux unités prendront  les appellations de ler et 2eme régiment de pontonniers et recevront à Paris un étendard en 1880, au cours d’une cérémonie de distribution des emblèmes.

La fin d’un siècle de polémique sur la construction des ponts militaires.

Depuis la militarisation des pontonniers, une  polémique va perdurer pendant quatre-vingt-dix  ans, et opposer les armes de l'Artillerie et du Génie sur la construction des ponts militaires.

Le Génie,  qui a la responsabilité des fortifications,  revendique ce travail mais l'Artillerie forte  de l'ancienneté de son attribution par décision royale et  qui, en outre,  a la  responsabilité de l'entretien du matériel d'équipage de pont Gribeauval entend garder cette construction..

L'Empereur tranche ce problème vers 1805 en attribuant à l'Artillerie la charge  des ponts mobiles ou de bateaux, au Génie celle des  ponts fixes. Mais rien n’a été codifié pour les ponts sur chevalets ce qui provoquera une querelle constante sur ce point particulier et qui  perdurera jusqu'en 1893.

Mais cela restera du domaine de la théorie du règlement car sur le terrain pontonniers et  sapeurs ne se posaient pas de question :le premier arrivé   sur la coupure travaillait au rétablissement par moyens  fixes ou mobiles.

La querelle, alimenté après la retraite de Russie de 1812 et le passage de la Bérézina où seuls les pontonniers purent établir les deux ponts commandés par l’Empereur, le Génie ne pouvant établir le 3 ème pont demandé. Après cet exploit technique et ce sublime  exemple de dévouement, le général de  Chasseloup-Laubat commandant le Génie déclara:

 "Je reconnais que c'est l'Artillerie qui doit être chargée des ponts à la guerre, parce qu'elle a,   par son personnel, ses chevaux et son matériel, de si  grandes ressources qu 'il lui en reste encore quand    celles des autres services sont épuisées. Le Génie et le bataillon du Danube sont entrés  en campagne avec une part considérable d'outils de toute espèce et, cependant, nous sommes arrivés ici ( à la Berezina) sans un seul clou, sans une seule forge, sans un  manteau... ". La cause était entendue  pour longtemps..

La disparition des pontonniers met fin à la querelle entre les armes de l'Artillerie et du Génie

C’est par la loi de réorganisation du 29 juin 1894 que l’armée met à profit l ’accroissement des effectifs pour trancher la querelle constante entre le Génie et l’Artillerie . Il est décidé que la responsabilité de tous les ponts militaires sera confié définitivement  à l’arme du Génie. C'est le 6 ème régiment du Génie en création à Angers qui devait absorber les pontonniers.  Cétait sans compter sur la dernière réaction corporatiste des pontonniers qui refusent de quitter l’artillerie. Alors, seuls les matériels seront reversés au Génie tandis que les pontonniers seront  maintenus dans l'artillerie dont ils formeront  les 39e et 40e régiments. C’était la fin définitive des artilleurs-pontonniers successeurs des pontonniers de la République du 1er Empire, de la Restauration et des 2 ème et 3 ème République.  

Dorénavant, le franchissement des fleuves et rivières était la  mission exclusive de l'arme du Génie-Pontonnier.

Que reste-il de ces modestes et braves soldats

La mémoire collective des pontonniers  persiste dans le 6ème Régiment du Génie créé en 1894 à Angers et toujours en garnison dans cette ville à la caserne Eblé, le légendaire général des pontonniers de la Berezina.  Symboliquement, la base de l’insigne de ce régiment est formée par l’ancre des pontonniers révolutionnaires de Strasbourg.
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Cette page  a été actualisée aux dates suivantes:

- octobre 2008 : Travaux de Mrs Gérard Ulrich, membre de la Société des Amis du Musée Régional du Rhin et de la Navigation (Amure) et de J. Haessler  de l'association "Le Grognard".

-novembre 2013: L'association des "Amis du Musée de l'Artillerie à Draguignan" ( 5) a publié son bulletin n° 51 en reprenant une partie de cette étude, complétée par des précisions sur les théâtres d'opérations suivants: Espagne (1823) Algérie (1830), Anvers (1832) Rome (1840), Crimée (1854, Italie (1859, Chine (1859), Mexique (1862), guerre franco-allemande (1870), Tunisie (1881) et enfin Tonkin (1884).

  1. Publé en détails page 337 de la "Collection complète des lois, décrets, ordonnances et réglements". Par J.B. Duvergier, tome 13, 2 ème édition, Paris 1836.Visible sur Google Books .
  2. Lettre du général Dujard commandant de l'artillerie du 28 janvier 1796.
  3. Arrêté du 29 septembre 1797 à disposition des généraux Hoche puis Augereau.
  4. Service Historique des Armées ( SHAT) contrôle des troupes de l’artillerie à pied et à cheval, année 1796 à 1815 série 25 YC-222.
  5. S.M.A.D, Place René Cassin- BP-19, 83301 Draguignan Cedex. Bulletin semestriel ISSN: 1269-357 X

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Créé le 15 mars 2007, modifié 15 avril 2014.

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